Des opposants à Boris Johnson, le 24 juillet à Londres. / TOLGA AKMEN / AFP

Boris Johnson n’en a pas dit mot, dans son premier discours de chef du gouvernement. Mais la perspective d’élections législatives anticipées, dès cet automne, pour sortir de l’impasse du Brexit, apparaît comme une hypothèse de plus en plus probable. Le nouveau premier ministre professe que son charisme change la donne, mais il hérite de l’équation politique impossible que n’a pas pu résoudre Theresa May : un accord de Brexit passé avec les Vingt-Sept, mais qui ne recueille pas de majorité au Parlement ; une UE non disposée à renégocier ce texte, en particulier la clause dite de « backstop », destinée à garantir le non-retour de la frontière irlandaise. En outre, la majorité dont disposent les conservateurs – deux voix – ne tient qu’à un fil et elle est menacée par les élus rebelles à M. Johnson. Si ces députés bloquent le « no deal » qu’il souhaite, des élections permettraient probablement d’obtenir de Bruxelles un report de la date butoir du 31 octobre.

Se lancer dans élections anticipées serait un pari hasardeux, tempère John Curtice, universitaire vedette de l’analyse des sondages. Theresa May en sait quelque chose, elle qui s’était lancée dans cette aventure en 2017 pour conforter sa majorité, et avait abouti à l’effet inverse. Aujourd’hui, les tories ne sont crédités que de 25 % des voix, pratiquement à égalité avec le Labour (26 %) tandis que les lib-dem et le Parti du Brexit de Nigel Farage (extrême droite) sont chacun à 18 %.

Risque de défaut de majorité

Dans ces conditions, des législatives reconduiraient la situation instable actuelle, voire pire : un défaut de majorité. Toutefois, note M. Curtice dans le Telegraph, l’accession au pouvoir de M. Johnson et son discours musclé pourraient lui permettre de ramener au bercail des électeurs conservateurs passés au Parti du Brexit. L’ennui est que beaucoup de ces électeurs affirment aux sondeurs qu’ils ne revoteront pour les conservateurs que lorsque le Brexit sera réalisé.

Pourtant, convoquer rapidement des élections est ce que Boris Johnson a de mieux à faire, et vite, argue le chroniqueur politique Daniel Finkelstein dans le Times. « Un gouvernement disposant de deux voix de majorité ne peut pas durer longtemps », observe-t-il. Pour lui, M. Johnson ferait mieux de prendre les devants plutôt que d’être contraint à des élections après avoir été mis en échec par les députés. Depuis une loi de 2011, le premier ministre ne peut plus provoquer des élections à sa guise. Mais elles peuvent être décidées par un vote des deux tiers des députés. Le Labour souhaitant ardemment des élections, M. Johnson n’aurait aucun mal à en lancer. La désignation comme conseiller du premier ministre de Dominic Cummings, stratège prétendument prodige de la campagne du référendum sur le Brexit, laisse penser que le nouveau locataire de Downing Street se met en ordre de marche pour une nouvelle bataille électorale.