Editorial du « Monde ». Long de 32 articles, le projet de loi de bioéthique présenté mercredi 24 juillet en conseil des ministres recouvre une large gamme de sujets majeurs, dont les tests génétiques et la recherche sur les cellules souches. Inévitablement, cependant, c’est sur la question très sensible de la procréation médicalement assistée (PMA) que se cristallisent déjà toutes les attentions.

Porté par les trois ministres chargées de la justice, de la santé et de la recherche, le texte qui sera débattu à l’automne au Parlement franchit sur ce sujet un pas décisif et maintient un interdit. Il élargit l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, une revendication de longue date portée par des associations LGBT, mais il évite d’ouvrir la voie à la gestation pour autrui (GPA), autrement dit au recours à une mère porteuse, qui permettrait notamment à un couple d’hommes d’accéder légalement, pour l’un d’entre eux, à une paternité biologique.

En concrétisant la promesse de campagne d’Emmanuel Macron en faveur de la PMA pour toutes par une réforme qui, de surcroît, divise la droite, et en se gardant de l’ouvrir aux couples masculins, l’exécutif espère réunir les conditions d’un débat apaisé au Parlement. Il n’en sera peut-être pas de même à l’extérieur : le collectif La Manif pour tous, hostile à toute extension de la PMA, a déjà appelé à une manifestation nationale le 9 octobre.

Sur deux sujets, la filiation – découlant de l’élargissement de la PMA aux couples féminins et aux femmes seules – et l’accès aux origines pour les personnes conçues par PMA grâce à un tiers donneur, le gouvernement s’est efforcé d’accompagner l’évolution des mentalités au sein de la société, sans pour autant l’accélérer.

Trouver le juste équilibre

En matière de filiation, le projet de loi prévoit un régime propre aux couples homosexuels, avec une déclaration anticipée de volonté établissant la double filiation – les deux femmes étant alors reconnues comme parents, celle qui a porté le bébé, de même que sa compagne –, filiation qui sera inscrite dans l’acte de naissance. Le gouvernement prend ainsi le risque de se voir accusé de discrimination par les associations LGBT et homoparentales, même si le mode de conception ne figurera pas sur les extraits d’acte de naissance demandés pour les formalités administratives. Comme le Conseil d’Etat l’y invitait, le gouvernement privilégie la « vraisemblance biologique » dans le cas d’un couple hétérosexuel, inapplicable aux couples de femmes, plutôt qu’un régime commun pour tous les couples ayant recours à la PMA.

L’autre mesure phare du projet de loi liée à la PMA concerne la fin, partielle, de l’anonymat du don de sperme. C’est un changement majeur, qui va dans le sens de la reconnaissance des droits des enfants à connaître leurs origines : le texte propose que tout donneur de sperme consente préalablement à ce que l’enfant né de ce don puisse demander à connaître son identité, une fois l’âge de la majorité atteint.

Depuis la première loi adoptée en 1994, l’histoire des lois de bioéthique a été déterminée par deux critères : l’innovation biomédicale et l’évolution des normes sociales – ce que la science permet et ce que la société juge acceptable à un instant donné. Le texte présenté mercredi par le gouvernement, qui s’est appuyé sur le Conseil d’Etat, se situe dans cette tradition. Il appartient à présent au législateur de trouver le juste équilibre sur ces questions complexes et hautement sensibles, qui touchent à la plus profonde intimité.