Les laits hypoallergéniques pour bébés, censés éviter aux enfants de développer des allergies ultérieurement, ne diminuent en fait pas ce risque et pourraient peut-être même l’aggraver, selon deux organismes de recherche : l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA).

Ces laits hypoallergéniques sont recommandés pour les nourrissons qui ne sont pas exclusivement allaités au sein et sont considérés comme pouvant développer des allergies. Leur prétendu effet protecteur est censé venir du fait qu’ils contiennent des protéines de lait fragmentées en petits morceaux (hydrolysées).

Toutefois, leur efficacité est controversée. Au point que « certaines sociétés de pédiatrie, comme l’[Académie] américaine de pédiatrie et la Société suisse de pédiatrie, ont récemment retiré leur recommandation vis-à-vis de ces préparations infantiles », souligne l’Inserm dans un communiqué.

Publiée il y a quelques semaines dans la revue Pediatric Allergy and Immunology, l’étude des chercheurs français confirme ce manque d’efficacité : « Les scientifiques n’ont observé aucun effet protecteur de ces produits contre d’éventuelles manifestations allergiques » (eczéma, sifflements respiratoires, asthme, allergies alimentaires) par rapport aux préparations infantiles classiques.

Au contraire, « l’utilisation à 2 mois de préparations hypoallergéniques chez des enfants sans signe d’allergie à cet âge était associée, dans les années qui suivent, à un risque plus élevé de sifflements respiratoires et d’allergies alimentaires », soulignent les chercheurs.

Plus grand risque de sifflements respiratoires

Ces résultats devront toutefois « être complétés par de nouvelles études », car ils « ne permettent pas d’établir de lien de causalité ». Autrement dit, ils ne prouvent pas que c’est bien l’usage de ces laits hypoallergéniques qui augmente le risque d’allergies, mais montrent simplement une association entre les deux.

En tout cas, ces résultats « soulignent la nécessité de réaliser des études cliniques sur ces préparations avant de promouvoir leur potentiel effet hypoallergénique », insistent les chercheurs. Selon eux, cela apporte « des arguments en faveur d’un nouveau règlement européen, qui entrera en vigueur en 2021 et imposera la réalisation d’études cliniques sur ces produits avant de promouvoir un effet protecteur face au développement d’allergies ».

Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont examiné les données de 11 700 enfants participant à l’étude longitudinale française depuis l’enfance (ELFE). L’un de ses objectifs est de mesurer l’impact de l’alimentation sur les plus jeunes. Quelque 5 % des enfants nourris au lait en poudre à l’âge de 2 mois consommaient ces préparations dites hypoallergéniques. « Pourtant, la moitié d’entre eux n’avait aucun antécédent familial d’allergie qui justifierait leur prescription », relèvent les chercheurs.

Selon leurs observations, le fait de consommer ces laits hypoallergéniques plutôt que des laits en poudre traditionnels à l’âge de 2 mois « est associé à un plus grand risque de sifflements respiratoires à 1 an chez les enfants à risques ». Cela est aussi associé « à un plus grand risque d’allergies alimentaires à 2 ans à la fois chez les enfants considérés à risques et ceux qui ne le [sont] pas ».