Manifestation à Bangalore en Inde le 24 mai 2018 pour protester contre les violences policières qui auraient fait treize victimes deux jours plus tôt. / AIJAZ RAHI / AP

Au moins 164 défenseurs de l’environnement se battant contre des projets miniers, forestiers ou agro-industriels ont été tués en 2018, selon le bilan annuel de l’ONG Global Witness. Selon ce rapport, publié mardi 30 juillet, d’« innombrables » autres ont été réduits au silence à travers le monde par la violence, l’intimidation et l’utilisation ou le dévoiement de lois anti-manifestation.

Le pays de loin le plus dangereux l’an dernier pour ces militants et les leaders autochtones défendant leurs terres a été les Philippines, avec 30 meurtres, a indiqué l’ONG. La Colombie et l’Inde ont, elles, compté 24 et 23 morts en 2018. Avec 16 meurtres confirmés, le Guatemala est de son côté le pays avec le plus de morts comparés au nombre d’habitants.

Vicky Tauli-Corpuz, rapporteuse spéciale des Nations unies (ONU) pour les droits des peuples autochtones déclare dans le rapport :

« C’est un phénomène que l’on peut voir partout dans le monde : les défenseurs de l’environnement et des terres, dont un nombre important sont des représentants de peuples autochtones, sont considérés comme des terroristes, des voyous ou des criminels du fait qu’ils défendent leurs droits ou pour la simple raison qu’ils habitent sur des territoires convoités par d’autres. »

Statistiques de l’ONG Global Witness sur le nombre de morts par pays, selon le rapport publié le 30 juillet.

En baisse par rapport à 2017

Le nombre de morts est en baisse par rapport à 2017, année la plus meurtrière avec 207 victimes, mais Global Witness note que le nombre pourrait être sous-évalué, notamment parce que certains événements se produisent dans des lieux très reculés.

L’événement le plus mortel rapporté par l’ONG en 2018 a eu lieu dans l’Etat du Tamil Nadu, dans le sud de l’Inde, où elle assure que treize personnes ont été tuées après une manifestation contre une mine de cuivre.

Au moins huit militants impliqués dans des conflits terriens avec des représentants de l’industrie du soja ont été tués en 2018 dans l’Etat brésilien de Para à lui seul, selon l’ONG.

Aux Philippines, qui ont pris la place du Brésil comme pays le plus meurtrier, c’est neuf cultivateurs de canne à sucre, dont des femmes et des enfants, qui ont été abattus par des hommes armés sur l’île de Negros, assure Global Witness, qui ajoute que l’avocat représentant les familles des victimes a été tué quelques jours plus tard.

Intimidation et emprisonnement

Alors que le groupe d’experts de l’ONU sur le climat (GIEC) doit publier la semaine prochaine un rapport sur l’utilisation des terres qui devrait souligner l’importance des peuples autochtones dans la protection de la nature, l’ONG dénonce également une « tendance inquiétante » vers l’intimidation et l’emprisonnement des défenseurs de l’environnement.

Le rapport dénonce aussi le rôle des investisseurs, y compris les banques de développement, dans des projets controversés, et désigne nommément certaines entreprises accusées de faciliter les violations des droits.

« Il n’est pas suffisant pour les multinationales liées à des confiscations de terres de plaider l’ignorance », insiste-t-il. « Elles ont une responsabilité de s’assurer de façon préventive que les terres dont elles profitent ont été louées légalement, avec le consentement des communautés qui y vivent depuis des générations. »