Le corps de Steve Maia Caniço a été retrouvé dans la Loire, mardi 30 juillet. / LOIC VENANCE / AFP

Après le rapport de l’inspection générale de la police nationale (IGPN), concluant qu’il n’y a pas de « lien entre l’intervention de la police et la disparition » de Steve Maia Caniço, 24 ans, dans la nuit du 21 au 22 juin, à Nantes, le gouvernement a affirmé vouloir « aller plus loin ». Pour cela, le premier ministre a annoncé avoir saisi l’Inspection générale de l’administration (IGA), qui sera chargée de « comprendre les conditions d’organisation de l’événement par les pouvoirs publics, mairie et préfecture, ainsi que les organisateurs privés ».

Une procédure relativement rare, notamment dans les cas de soupçons de violences policières, qui pourrait permettre de remonter la chaîne des responsabilités dans la décision de l’opération et de ses modalités sur le terrain.

  • Qu’est-ce que l’IGA ?

Héritée de la fonction « d’inspecteur général des hôpitaux civils et des maisons de force du royaume » créée par le ministre des finances de Louis XVI, Jacques Necker, en 1781, l’IGA est une instance interministérielle, rattachée au ministère de l’intérieur. C’est l’un des cinq grands corps administratifs de l’Etat avec le Conseil d’Etat, la Cour des comptes, l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Ce corps, composé d’une centaine de hauts fonctionnaires sortis de l’école nationale d’administration (ENA), est chargé de missions d’évaluation des politiques publiques, d’audit de service, d’appui, de conseil et de contrôle. Elle est également le corps d’inspection du ministre de l’intérieur, ce qui explique qu’elle soit directement rattachée au cabinet du ministre. Elle a en effet une « large compétence sur tous les personnels, services, établissement ou institutions qui relèvent du ministère de l’intérieur » ainsi que sur « les services et organismes sur lesquels les préfets exercent leur contrôle ».

Chaque année, l’institution rend ainsi des dizaines de rapports – dont certains restent confidentiels. En 2018, 30 % des 115 dossiers étaient consacrés à l’organisation de l’Etat et de ses services. Depuis le début de l’année, ceux publiés concernent autant l’office national des forêts que l’observatoire de la qualité de l’air intérieur, ou encore une évaluation du dispositif pris lors de la crue de la Seine en janvier 2018.

  • Comment fonctionne l’instance ?

L’IGA reçoit ses affectations de la part de « tout ministre intéressé », et peut aussi être sollicitée par les collectivités, si le premier ministre ou le ministre de l’intérieur donnent leur aval. Les services, établissements, institutions et organismes qu’ils contrôlent sont alors obligés de se soumettre aux requêtes des inspecteurs.

Ces derniers suivent, en outre, une charte de déontologie, qui les oblige à agir avec « un devoir d’objectivité, de vérité et de qualité dans l’établissement des faits ». Il est également précisé que l’IGA doit préserver « en toutes circonstances son indépendance d’action et sa liberté de jugement ».

  • Pourquoi a-t-elle été saisie dans ce dossier ?

Dans sa lettre de saisine, le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a demandé au chef de l’IGA, Michel Rouzeau, d’examiner « les modalités de préparation des concerts de sound systems en vérifiant les dispositions prises en matière de sécurité des participants compte tenu des risques identifiés de sécurisation physique du site et de dimensionnement des dispositifs de police et de secours ».

M. Rouzeau, qui doit rendre ses conclusions le 4 septembre, est également chargé d’étudier « les conditions de gestion des incidents et, plus particulièrement, les circuits d’information et de décision entre les services de l’Etat et ceux de la ville de Nantes » lors de la Fête de la musique.

En clair, l’IGA devrait notamment évaluer les directives données par le préfet de Loire-Atlantique, Claude d’Harcourt, ou son équipe, la nuit du drame. C’est lui qui était responsable de l’opération de maintien de l’ordre en cause : a-t-il été informé de la configuration en cours ? Des personnes tombées dans la Loire ? A-t-il validé l’utilisation de gaz lacrymogène, de grenades de désencerclement et de lanceurs de balles de défense (LBD) ?

  • Que peut-on attendre de ce rapport ?

Cette fois, le rapport devrait donc éclairer le rôle de l’autorité préfectorale dans l’opération de police – un pouvoir que n’avait pas l’IGPN. C’est donc un pas important dans ce dossier, qui pourrait permettre de remonter la chaîne des responsabilités et s’inscrire dans la volonté de « transparence » affichée par l’exécutif sur ce dossier.

L’IGA est en effet rarement saisie dans les affaires où le travail des forces de l’ordre a été mis en cause, ce qui a provoqué de vives polémiques par le passé. Ce fut le cas notamment lors de la mort de Rémi Fraisse au barrage de Sivens, ou encore dans les nombreux cas de violences policières dénoncées par des manifestants « gilets jaunes ».

Mais cette saisie de l’IGA a également été perçue comme une tentative de diversion pour alléger la pression sur le ministre de l’intérieur, en jetant le doute sur l’action de la mairie. « Christophe Castaner essaye de détourner le sujet, il y a des installations à cet endroit depuis vingt ans. (…) La seule question qui est posée est celle de l’intervention policière et Christophe Castaner ferait mieux de prendre ses responsabilités et de rendre des comptes sur la politique de maintien de l’ordre qu’il conduit au nom du président Macron », a ainsi déclaré Aymeric Seassau, adjoint PCF à la mairie, sur BFM-TV.

Les conclusions de cette inspection sont attendues le 4 septembre, et seront « mises à la disposition de l’autorité judiciaire », a précisé Edouard Philippe.

Ce que l’on sait de la mort de Steve Maia Caniço à Nantes
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