Moins de trois semaines après l’adoption définitive par la France de la « taxe GAFA » sur les grands groupes technologiques, le géant américain du commerce en ligne Amazon a décidé de la répercuter sur les tarifs appliqués aux vendeurs de sa plate-forme dans ce pays, devenant la première des entreprises visées à faire ce choix.

Sur sa page d’information à destination des vendeurs hexagonaux, Amazon détaille son nouveau barème de tarifs, qui entrera en vigueur le 1er octobre : il explique leur appliquer à tous une hausse de 3 %, correspondant au montant de la taxe sur son chiffre d’affaires prévue par la nouvelle loi. Cela entraîne un renchérissement de sa commission allant de quelques dixièmes de points de pourcentage à près de 1,5 point, en fonction des produits proposés par les vendeurs. La commission prélevée par Amazon dépend en effet du type de produit vendu.

La taxe française, définitivement adoptée le 11 juillet, crée une imposition des grandes entreprises du secteur non pas sur le bénéfice, souvent déclaré dans des pays à très faible fiscalité comme l’Irlande, mais sur le chiffre d’affaires qu’elles réalisent dans l’Hexagone. Selon le ministère de l’économie, une trentaine de grands groupes devraient payer cette taxe, avec deux seuils prévus : un chiffre d’affaires minimum de 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions dans l’Hexagone.

Menaces de Donald Trump

Cette mesure a été surnommée « taxe GAFA » car elle va toucher en premier lieu les géants américains du secteur regroupés sous cet acronyme : Google, Amazon, Facebook et Apple. Elle a d’ailleurs provoqué de vives réactions côté américain, le président Donald Trump menaçant notamment de taxer les vins français en représailles.

Dans un courriel transmis à l’AFP, Amazon justifie sa décision en assurant n’être « pas en mesure » d’absorber ce nouvel impôt. « Cette taxe visant directement les services de la marketplace [plate-forme de mise en relation entre des commerçants tiers et consommateurs, N.D.L.R.] que nous mettons à disposition des entreprises avec lesquelles nous travaillons, nous n’avons pas d’autre choix que de la leur répercuter », fait valoir le groupe.

« Etant donné que nous opérons dans le secteur très concurrentiel et à faible marge du commerce de détail et que nous investissons massivement dans la création d’outils et de services destinés à nos clients et à nos vendeurs partenaires, nous ne sommes pas en mesure d’absorber une taxe supplémentaire assise sur le chiffre d’affaires », a-t-il poursuivi. Selon le géant américain, cette situation pourrait par ailleurs « mettre les petites entreprises françaises en position de désavantage concurrentiel par rapport à leurs homologues d’autres pays. Nous en avons, comme de nombreux autres acteurs, averti les autorités. »

14 points d’impôts de moins que les autres entreprises

De son côté, le ministère français de l’économie rappelle que la « taxe GAFA » répond « avant tout à une question de justice fiscale », les géants du numérique payant « 14 points d’impôts de moins que les autres entreprises ». « Amazon a fait le choix de répercuter cette taxe sur les PME qui utilisent ses services, rien ne l’y oblige. Ce principe n’est aucunement inscrit dans la loi créant cette taxe », détaille le communiqué.

La décision d’Amazon pourrait-elle faire boule de neige ? Interrogé par l’AFP, le PDG de Rakuten France (ex-PriceMinister) Fabien Versavau a assuré qu’il ne répercuterait pas « la hausse de l’imposition sur les commissions et in fine sur les consommateurs pour l’année 2019 ». Pour 2020, « on attend de voir l’impact » de la taxe « pour l’entreprise », a-t-il précisé. Facebook n’était pas en mesure pour l’heure de préciser si ses tarifs seraient également révisés à la hausse. Google et Apple n’ont pas répondu dans l’immédiat.

Dès le mois de mai, l’Association des services internet communautaires (Asic) avait mis en garde contre de possibles hausses de tarifs liées à l’entrée en vigueur de la taxe. Cet argument avait été rejeté par le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire. « Le consommateur, jusqu’à preuve du contraire, ne paye pas pour la publicité qu’il regarde. Or c’est le principal revenu de cette taxe », avait déclaré le ministre, appelant à ne pas jouer « avec les peurs des Français ».