Les abonnés de Free seront-ils bientôt privés de BFM-TV ? Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a rendu, jeudi 1er août, les conclusions de son arbitrage dans le bras de fer qui oppose depuis plusieurs mois l’opérateur Free aux chaînes de télévision du groupe Altice (BFM-TV, RMC Découverte et RMC Story). Le gendarme de l’audiovisuel a finalement tranché en faveur de Free et rejeté les demandes de la maison mère de SFR d’enjoindre l’opérateur (dont le fondateur, Xavier Niel, est actionnaire à titre individuel du Monde) à « accepter leur offre commerciale », estimant que ce dernier est en droit de « librement refuser de reprendre les chaînes BFM-TV, RMC Découverte et RMC Story et leurs services associés ».

Concrètement, Free n’a donc aucune obligation de donner suite aux exigences d’Altice et de diffuser ses chaînes si les conditions de l’offre présentée par le groupe de médias ne lui conviennent pas. Pour autant, le régulateur reconnaît aux trois chaînes de télévision le droit d’exiger une rémunération pour leur reprise sur les offres des box de l’opérateur.

Deux camps à couteaux tirés

Les deux camps sont à couteaux tirés depuis le 20 mars, date à laquelle l’accord de diffusion signé entre les deux groupes il y a plusieurs années est arrivé à son terme. Altice souhaitait profiter du renouvellement du contrat pour en revoir les termes et faire payer à Free un montant de cinq à six millions d’euros pour l’accès à ses chaînes et à leurs services ajoutés, tels que la télévision de rattrapage, se calquant sur le modèle des accords déjà conclus entre Free et les groupes TF1 et M6, ou entre Altice et les opérateurs Bouygues Telecom et SFR.

Le groupe de Patrick Drahi s’est cependant heurté à une fin de non-recevoir de la part de l’opérateur, peu disposé à rémunérer des chaînes jusqu’à présent gratuites et jugeant les services ajoutés insuffisamment pertinents pour justifier une rétribution. Les négociations étant au point mort, Altice avait alors saisi le CSA, début avril, dans le cadre d’une procédure de réglement de différend, réclamant au régulateur de contraindre Free à conclure un contrat de distribution global.

Altice a assigné Free en justice pour contrefaçon le 17 avril. La maison mère de SFR accusait l’opérateur de pirater son signal

Si la décision du CSA est considérée comme une victoire par Free, ce n’est cependant pas le cas des conclusions rendues le 26 juillet par le tribunal de grande instance de Paris et que Le Monde a pu consulter. Altice a assigné Free en justice pour contrefaçon le 17 avril. La maison mère de SFR accusait l’opérateur de pirater son signal, ce dernier ayant rétabli par ses propres moyens la diffusion des chaînes du groupe de médias après que celui-ci lui en ait coupé l’accès faute d’accord. Le juge des référés a donné gain de cause à Altice et sommé Free de cesser la poursuite de la diffusion de BFM-TV, RMC Découverte et RMC Story sans leur autorisation, sous peine d’une amende de « 100 000 euros par jour de retard et par chaîne » à compter du 27 août.

Une médiation en cours

Si ces différentes décisions clarifient, en partie, les contours du contentieux entre les deux camps, elles laissent toutefois en suspens une question : les trois chaînes d’Altice seront-elles finalement encore disponibles à la fin du mois sur les box de Free ? Selon nos informations, le CSA a récemment proposé une nouvelle médiation à Free et Altice, acceptée par les deux parties, afin qu’elles concluent un accord en ce sens. La porte est donc ouverte pour un hypothétique accord d’ici le 27 août, sous réserve que les protagonistes trouvent un terrain d’entente, notamment sur le prix. Dans le cas contraire, BFM-TV, RMC Découverte et RMC Story disparaîtront bel et bien des offres de Free.

L’ex-trublion des télécoms, qui totalise 6,4 millions de clients dans le fixe, profite d’une conjoncture qui joue en sa faveur. Altice doit également prochainement renégocier les termes de son accord de diffusion avec Orange. Ce dernier devait initialement prendre fin en juillet, mais la maison mère de SFR a décidé d’en repousser l’échéance à septembre. Or, l’opérateur historique, qui compte 11,5 millions d’abonnés dans le fixe, a déjà fait valoir à plusieurs reprises au printemps qu’il n’était pas disposé à payer Altice pour les services associés à ses chaînes, rejoignant, une fois n’est pas coutume, l’argumentaire de Free. Une position sur laquelle campe encore aujourd’hui l’ex-France Télécom. De quoi donner du fil à retordre au groupe de médias dans ses négociations lors des prochaines semaines.