Croquis de l’audience d’A$AP Rocky (au milieu), à Stockholm le 2 août. / Anna Harvard / AP

Détenu en Suède depuis le 30 juin, le rappeur américain A$AP Rocky pourrait rester encore plusieurs mois en prison. Le parquet suédois a requis vendredi 2 août une peine de six mois de prison ferme à l’encontre du musicien, jugé pour violences après une rixe à la fin de juin à Stockholm.

A l’ouverture du procès mardi, le parquet avait plaidé l’acte volontaire, estimant qu’A$AP Rocky, Rakim Mayers de son vrai nom, et ses coprévenus avaient agressé la victime de 19 ans alors qu’ils avaient pour eux le nombre et la force physique. « Je ne vois pas comment l’on pourrait discuter d’autre chose que de la prison », a fait valoir le procureur Daniel Suneson dans ses réquisitions, au cours de la troisième et dernière journée d’audience au tribunal de Stockholm.

Mais, pour l’avocat du rappeur placé en garde à vue puis en détention après une rixe le 30 juin dans les rues de la capitale suédoise, celui-ci a agi en « légitime défense ». Lors de l’audience, il a d’ailleurs réclamé l’acquittement et la remise en liberté de l’interprète de L$D. « Selon moi, il n’y a aucune raison de croire que la description du délit s’applique à mon client, il devrait être acquitté et libéré aujourd’hui », a plaidé l’avocat, rejetant l’argument du parquet selon lequel les trois prévenus avaient agi de concert en agressant un jeune homme.

Le tribunal doit annoncer dans la soirée la date du jugement, probablement mis en délibéré. Il décidera aussi de la libération ou du maintien en détention de l’artiste dans l’attente de la décision.

Si les juges le déclarent coupable de violences, il encourt jusqu’à deux ans de prison assortis d’une amende. Toutefois, il pourrait bénéficier d’une peine plus légère, n’ayant pas d’antécédents judiciaires en Suède. Deux membres de son entourage, dont son garde du corps, comparaissent à ses côtés.

S’il venait à être condamné, A$AP Rocky a proposé vendredi d’accomplir des travaux d’intérêt général. « Vous savez où je vis, vous avez mes coordonnées et celles de mon avocat. J’ai travaillé pour des œuvres de charité, ça ne me dérangerait donc pas de faire quelque chose de la sorte le week-end », a fait valoir le prévenu devant le tribunal.

Relations tendues entre les Etats-Unis et la Suède

La veille, la défense avait remis en cause la version et la fiabilité des faits racontés plus tôt par la victime, un Afghan de 19 ans qui dit avoir été « frappé » par quatre personnes. « Deux [d’entre elles] ont essayé de me couper avec du verre », avait-il ajouté, à l’issue de la première journée d’audience.

Jeudi, le rappeur avait donné sa version des faits. « Nous avons essayé de nous éloigner, quand nous nous sommes éloignés nous avons été suivis », a-t-il raconté calmement à la barre, assurant avoir eu peur du comportement « intrépide » de la victime. A$AP Rocky, 30 ans, a toutefois reconnu par la suite avoir « jeté » sa victime à terre avant de lui « donner un coup de pied au bras » dans le but de venir en aide à son garde du corps, pris à partie par le plaignant et un ami.

Sur un enregistrement amateur d’abord diffusé par le média TMZ et retransmis lors du procès, l’artiste, en visite dans la capitale suédoise pour un concert, met au sol un jeune homme puis lui assène des coups. Dans d’autres vidéos postées sur le compte Instagram d’A$AP Rocky, on le voit demander à plusieurs reprises à deux jeunes hommes de cesser de le suivre.

Ce fait divers a eu un retentissement international compte tenu de la notoriété du prévenu. Une pétition sur Internet appelant à sa libération a pour le moment recueilli plus de 640 000 signatures. Pour cette dernière journée d’audience, plusieurs fans s’étaient donné rendez-vous à l’extérieur du tribunal de Stockholm, scandant des « Free Rocky » et « Free Flacko » – l’autre surnom de l’artiste.

L’affaire a même tendu les relations entre les Etats-Unis et la Suède. Le président Donald Trump a accusé à la fin de juillet la Suède de mépriser le sort des Noirs américains et dépêché au procès son envoyé spécial chargé des affaires liées aux otages, Robert O’Brien. Des responsables politiques suédois ont répondu au locataire de la Maison Blanche en défendant l’indépendance absolue de la justice vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Plusieurs élus du Congrès américain ont aussi exhorté la Suède à libérer le musicien, et un ancien ambassadeur américain à Stockholm, Mark Brzezinski, a fait savoir à la mi-juillet qu’il avait contacté le ministère suédois des affaires étrangères et la maison royale, dénonçant une « injustice à caractère racial ». Une accusation cependant balayée par l’avocat du musicien new-yorkais, selon qui la Suède n’est « pas une société raciste ».