Port de Cotonou en mai 2019. / PROSPER DAGNITCHE / AFP

Une longue file de camions s’étire sur le boulevard le long du port de Cotonou, en plein cœur de la capitale économique du Bénin : un port en pleine mutation depuis plusieurs années et qui connaître une phase de travaux colossaux pour en faire une plateforme compétitive en Afrique de l’Ouest.

Des semi-remorques, parfois hors d’âge, avançant avec peine et crachant une fumée noire, attendent leur tour pour entrer dans l’enceinte portuaire et charger des marchandises, pendant que d’autres sortent avec des conteneurs ou les citernes remplies de carburant.

Ce port de transit de 300 hectares doit pouvoir rivaliser avec ses voisins dans un secteur très concurrentiel, en forte croissance, due à la progression globale des échanges en Afrique de l’Ouest.

Ces dernières années, le Togo a fortement investi dans ses installations portuaires (+18,3 % de chiffres d’affaires en 2018). Mais les géants ivoiriens et ghanéens gardent une place prépondérante dans le commerce maritime de la région. Abidjan, en Côte d’Ivoire, et Tema, au Ghana, peuvent accueillir des navires plus gros car les bassins sont plus profonds et plus étendus (le plan d’eau à Abidjan est de 1 000 ha contre 80 ha à Cotonou), le coût de passage est moins élevé et les délais plus rapides. Toutefois, le port de Cotonou a multiplié les efforts pour se débarrasser de sa mauvaise image et de ses délais d’attente interminables.

« Compétitivité »

Le Bénin veut tirer profit de sa position géographique et reste un point de transit, notamment vers les pays de l’hinterland (arrière-pays) et, surtout, vers le géant nigérian, qui représente un marché de 190 millions d’habitants totalement congestionné situé à quelques dizaines de kilomètres à peine de Cotonou.

Les pays privés de littoral, comme le Niger, représentent à eux seuls 49 % du trafic d’importation. Le Niger, qui reste fidèle à son voisin et partenaire béninois avec 3,9 Mt importées en 2018 via le Bénin. « Cotonou est notre port naturel, explique Chaibou Attahy, représentant d’une association de transporteurs du Niger. Mais s’il a gagné en célérité, enlever un conteneur reste beaucoup plus cher, donc ça pose la question de la compétitivité. »

Ainsi, pour redynamiser ce secteur essentiel au pays, le président Patrice Talon a décidé de reprendre les choses en main. Car le port de Cotonou, qui contribue à plus de 60 % au PIB, mobilise plus de 90 % des ressources intérieures. Le petit pays d’Afrique de l’Ouest ne peut donc pas se permettre de se laisser distancer.

Début 2018, son gouvernement a confié la gestion du Port autonome de Cotonou, la structure administrative, au Port d’Anvers international (PAI), dans un souci de réorganisation et restructuration de l’administration : informatisation des services, diffusion d’un code de bonne conduite, formation du personnel, etc.

L’annonce avait alors provoqué une levée de boucliers des syndicats, craignant une privatisation déguisée qui engendrerait des licenciements massifs. Une partie de la presse s’était également élevée contre ce qu’elle avait qualifié de « bradage du joyau du pays ».

L’autorité portuaire a elle seule compte 500 agents et on estime que 10 000 personnes travaillent au port, si on compte les dockers et les employés des entreprises sous-traitantes.

Treize agents ont finalement été licenciés, mais plusieurs techniciens ont été recrutés, se défend PAI, qui affirme vouloir surtout « changer les mentalités » dans un secteur réputé gangrené par le clientélisme. « On va à la recherche des clients, c’était inexistant avant », indique Nele Voorspoels, directrice commerciale et marketing.

« Plateforme innovante »

Après cette première phase de réajustement, des travaux colossaux devraient démarrer en 2020, le plan d’investissement de 300 milliards de francs CFA (450 millions d’euros) ayant été validé par le gouvernement.

« On va faire du port autonome de Cotonou une plateforme logistique innovante, sécurisée et fiable au service des échanges internationaux », ambitionne Joris Thys, son directeur général. « On veut que les entreprises internationales de manutention et de logistique viennent investir. »

De son côté, le ministre des infrastructures et des transports, Alassane Seidou, se réjouit d’un chiffre d’affaires en augmentation de 16,35 %, avec un résultat net de 1,4 milliard de francs CFA en 2018 (plus de 2 millions d’euros).

C’est aussi le résultat d’une réforme en profondeur de la douane, dont les programmes de vérification des importations ont été confiés à Bénin Control dès 2011, une société dont l’actionnaire principal est aujourd’hui Olivier Boko, un proche du président Patrice Talon, que certains n’hésitent pas à qualifier de « deuxième homme » du pays.

Un autre proche du président, Eustache Kotingan, dirige d’ailleurs Atral, importante société de logistique qui travaille dans le port.

Le gouvernement a fait appel à l’expertise belge pour rendre son port plus compétitif et s’est désengagé, au moins pour un temps, de sa gestion, mais le pouvoir semble garder indirectement la main sur la porte d’entrée du pays.