Une pancarte « Trump, débloque le Venezuela », le 6 août à Caracas. / FEDERICO PARRA / AFP

Caracas a dénoncé, mardi 6 août, « le terrorisme économique exercé contre le peuple du Venezuela par l’administration Trump ». La veille, la présidence américaine avait annoncé un renforcement sans précédent des sanctions prises pour mettre fin à la « dictature » de Nicolas Maduro. Dans un communiqué publié mardi, la Maison Blanche a confirmé que les Etats-Unis utiliseraient « tous les outils adaptés » pour parvenir à ce but.

Le communiqué du gouvernement vénézuélien s’insurge contre « un blocus criminel » qui, « violant ouvertement les principes de la Charte des Nations unies », prétend « étrangler le peuple vénézuélien pour renverser le gouvernement de manière inconstitutionnelle ». Donald Trump veut « fabriquer une guerre », a déclaré l’ambassadeur vénézuélien auprès des Organisation des Nations unies (ONU), Samuel Moncada, en exhortant le secrétaire général Antonio Guterrez et le Conseil de sécurité à condamner les sanctions américaines.

Signé lundi par Donald Trump, le décret présidentiel gèle tous les avoirs et intérêts du gouvernement vénézuélien aux Etats-Unis et permet de sanctionner toute transaction avec les autorités vénézuéliennes. Le décret (il s’agit d’« un ordre exécutif ») est entré immédiatement en vigueur. Les biens du gouvernement vénézuéliens ne peuvent désormais être « ni transférés, ni payés, ni exportés, ni retirés, ni négociés de quelque manière que ce soit ».

Ces nouvelles sanctions frappent un pays dévasté par dix-neuf ans de révolution bolivarienne et une crise économique sans précédent. « Il est très très important de faire passer les besoins humanitaires du peuple vénézuélien avant toute autre considération », a rappelé mardi le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric.

Un « dangereux précédent »

« Les Etats-Unis doivent comprendre une fois pour toutes qu’ils ne sont pas les propriétaires du monde », a déclaré la vice-présidente vénézuélienne, Delcy Rodriguez, en dénonçant l’impact des sanctions sur la population civile. Selon Mme Rodriguez, « tous les pays qui ont des investissements aux Etats-Unis devraient s’inquiéter, parce que la décision de Donald Trump crée un dangereux précédent contre la propriété privée et une menace contre l’ordre mondial ». Il n’est pas fréquent d’entendre le pouvoir chaviste s’inquiéter du sort de la propriété privée. La vice-présidente s’exprimait entourée de plusieurs ministres, dont celui de la défense. Les forces armées vénézuéliennes ont, elles aussi, émis un communiqué pour dénoncer la politique « aberrante » de Washington et critiquer les opposants qui la soutiennent.

Les sanctions « ne sont pas prises contre le Venezuela mais contre le régime », a affirmé Juan Guaido, le chef de file de l’opposition vénézuélienne, qui est reconnu par les Etats-Unis et par une cinquantaine d’autres pays comme le président légitime du Venezuela. C’est également l’avis des membres du Groupe de Lima, qui réunit sur la question vénézuélienne une douzaine de pays du continent. « Nous savons que les sanctions vont avoir un impact réel sur le régime de Maduro et nous espérons qu’elles permettront au plus vite son départ », a déclaré le ministre des relations extérieures péruvien, Nestor Popolizio, à l’issue d’un sommet régional organisé cette semaine à Lima.

John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale du président Trump, y assistait. « Nous envoyons un signal aux parties tierces qui veulent faire des affaires avec le régime Maduro : soyez extrêmement prudents », a-t-il déclaré. La menace vise gouvernements, entreprises et ressortissants étrangers, notamment la Chine et la Russie, qui n’ont pas lâché M. Maduro. « Le temps du dialogue est terminé. Il est temps d’agir maintenant », avait lancé John Bolton lundi.

Reprise des pourparlers

Le propos n’est pas passé inaperçu. Caracas accuse le gouvernement américain de vouloir saborder le difficile dialogue engagé avec l’opposition depuis le mois de mai, sous les auspices du gouvernement norvégien. Mais Juan Guaido a fait savoir mardi qu’il n’entendait pas se lever de la table des négociations. Les pourparlers « pour trouver une issue constitutionnelle à la crise vénézuélienne » pourraient reprendre jeudi 8 août. Très critiqués par l’aile la plus radicale de l’opposition, ils se tiennent dans l’île caraïbe de La Barbade, sans résultat tangible jusqu’à présent.

Le Venezuela a donc rejoint Cuba, l’Iran, la Corée du Nord et la Syrie sur la liste des pays visés par des sanctions américaines drastiques. Leur efficacité politique fait débat, au Venezuela comme ailleurs. « Les sanctions permettent à Nicolas Maduro de se poser en victime de l’impérialisme américain, alors qu’il est seul responsable de la crise actuelle », considère José Ibarra, un ancien chaviste passé à l’opposition. Les sanctions américaines placent par ailleurs Juan Guaido dans une position difficile. « M. Guaido défend des sanctions qui, jusqu’à présent, ont eu pour seul effet d’aggraver les conditions de vie des Vénézuéliens », continue M. Ibarra. Le gouvernement chaviste multiplie dans les médias et sur les réseaux sociaux les appels à l’unité et à la dignité nationale pour faire face à l’adversité. Le Parti socialiste a appelé à manifester « contre le blocus » ce mercredi.