Jusqu’ici seule la presse nationaliste chinoise qualifiait le mouvement de protestation qui secoue Hongkong depuis deux mois de « révolution de couleur ». Désormais, les officiels chinois n’hésitent plus à employer l’expression, une « ligne rouge » dans la Chine de Xi Jinping. Mercredi 7 août, Zhang Xiaoming, le directeur du bureau des affaires de Hongkong et Macao à Pékin, soit le « M. Hongkong et Macao » au sein du gouvernement chinois, a jugé, devant 500 responsables économiques et politiques réunis à huis clos à Shenzhen, que ce qui se passait à Hongkong présentait « les caractéristiques évidentes d’une révolution de couleur ».

Selon le quotidien South China Morning Post, qui rapporte les propos d’une participante, ces révolutions qui ont secoué l’ex-empire soviétique et le Moyen-Orient au début du XXIe siècle se caractérisent par le rôle éminent joué par la jeunesse et par les Eglises. Par ailleurs, les dirigeants chinois sont convaincus qu’elles sont fomentées par l’Occident. « La tâche primordiale la plus pressante est désormais de mettre un terme à la violence et au chaos afin de protéger notre patrie et d’éviter que Hongkong ne tombe dans l’abîme », a jugé Zhang Xiaoming. La « bataille pour l’avenir de Hongkong » est « une question de vie ou de mort », a renchéri son homologue Wang Zhimin, le directeur du bureau de Pékin à Hongkong.

Ambassadeurs en ordre rangé

Selon un participant, Zhang Xiaoming a précisé qu’il ne saurait être question de tolérer que Hongkong perturbe les célébrations du 70e anniversaire de l’arrivée des communistes au pouvoir qui se dérouleront dans toute la Chine le 1er octobre. « Le plus tôt sera le mieux », a résumé Ip Kwok-him, un membre de l’Assemblée nationale populaire, présent à cette réunion.

Evidemment, pour Pékin, qui a donc désormais choisi de dramatiser la situation, il ne saurait être question d’accepter les revendications des « révolutionnaires ». Celles-ci sont au nombre de cinq : retirer officiellement le projet de loi sur les extraditions, notamment vers la Chine continentale, et qui n’est que « suspendu », lancer une commission d’enquête indépendante sur les violences policières, libérer les centaines de personnes arrêtées, cesser de qualifier le mouvement d’« émeutes » et lancer un processus de réforme politique de Hongkong.

Contrairement aux promesses faites lors de la rétrocession de cette ancienne colonie britannique de 7,3 millions d’habitants à la Chine en 1997, Hongkong n’est pas une véritable démocratie et les libertés publiques, bien qu’infiniment supérieures à celles accordées en Chine continentale, sont désormais remises en cause par Pékin.

Zhang Xiaoming a juste envisagé la création d’une commission d’enquête, une fois le calme revenu. Sans doute conscient de l’effet désastreux qu’aurait une intervention des forces de l’ordre, voire de l’armée chinoise, à Hongkong, Pékin a, semble-t-il, demandé à plusieurs de ses ambassadeurs (notamment à Rome, Londres, La Haye et Madrid) d’intervenir publiquement pour expliquer que la priorité du gouvernement chinois était de mettre fin aux violences.

Mercredi a également été marqué par une manifestation on ne peut plus pacifique d’environ 3 000 professionnels de justice (juges, avocats…) qui, au nom de « la loi, l’ordre, la justice et la paix », ont dénoncé les « poursuites politiques » à l’encontre des manifestants. En fin de soirée, des centaines de manifestants se sont rassemblés devant le Musée de l’espace, projetant des pointeurs laser sur le dôme de celui-ci afin de dénoncer l’arrestation, la veille, d’un leader étudiant qui avait acheté dix pointeurs laser, considérés comme des « armes » par la police.