Des manifestants algériens à Alger, le 9 août 2019. / Toufik Doudou / AP

Les Algériens ont manifesté vendredi pour la vingt-cinquième semaine consécutive, appelant à la désobéissance civile et rejetant le dialogue proposé par le pouvoir pour mettre fin à la crise politique née de la contestation inédite en février. Au milieu d’un important déploiement policier, des manifestants ont afflué dans le centre d’Alger après la prière du vendredi et défilé jusqu’à la Grande Poste, épicentre de la contestation qui a abouti à la démission de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril, après vingt ans au pouvoir.

Impossible à évaluer en l’absence de comptage officiel, la mobilisation reste importante, sous un soleil de plomb, en ce début de long week-end et à deux jours de la célébration de l’Aïd al-Adha. « Soit nous, soit vous, on n’arrêtera pas », « Etat civil pas militaire », « La désobéissance civile est en route », ont scandé les manifestants pour appeler les dirigeants proches de M. Bouteflika à quitter le pouvoir.

Pas d’arrestation

Les protestataires ont également conspué Karim Younes, le coordonnateur de l’Instance nationale de dialogue et de médiation, formée par le président par intérim Abdelkader Bensalah pour mener des consultations sur les modalités de la future présidentielle. Cette instance est contestée par les protestataires et plusieurs personnalités ont refusé de la rejoindre. Initialement planifiée pour le 4 juillet à l’expiration de la période d’intérim prévue par la Constitution, pour élire un successeur à M. Bouteflika, la présidentielle n’a pu être organisée, faute de candidats. Et M. Bensalah est toujours en poste.

Mercredi, l’Instance nationale s’est réunie pour la première fois pour discuter avec des personnes présentées comme des militants de la contestation. La majorité des intervenants ont jugé que la présidentielle devait se tenir rapidement et sans intervention du gouvernement de Noureddine Bedoui, accusé par les protestataires d’être un « représentant de la fraude ». Le mouvement de contestation réclame, avant toute élection, le départ de tous les anciens proches de M. Bouteflika.

« Le pouvoir va finir par nous écouter et répondre à nos revendications, qui sont très simples : le départ des figures du système de Bouteflika. On ne peut pas organiser des élections avec les fraudeurs qui lui ont permis de rester vingt ans au pouvoir », a déclaré Hassan, un fonctionnaire de 57 ans participant à la manifestation de vendredi, cité par l’Agence France-Presse. En fin d’après-midi, les manifestants se sont dispersés dans le calme et il n’y a pas eu d’arrestations.

Mesures d’apaisement refusées par l’armée

Comme ces dernières semaines, de nombreux véhicules de police ont été garés à Alger des deux côtés des principaux axes du centre-ville empruntés par le cortège. Les manifestants sont également descendus dans la rue dans d’autres villes du pays, comme à Constantine et Annaba, troisième et quatrième villes du pays. Les manifestations se sont déroulées sans incident. Jeudi, le chef d’état-major de l’armée et véritable homme fort du pays, le général Ahmed Gaïd Salah, a jugé que les revendications fondamentales du mouvement de contestation avaient été satisfaites, ajoutant que l’objectif était désormais la présidentielle.

L’armée a de son côté refusé de mettre en place les mesures d’apaisement prônées par l’Instance de dialogue pour favoriser les discussions avec la contestation. Ces mesures incluaient entre autres la libération des personnes arrêtées en lien avec les manifestations et l’allègement des fouilles et du dispositif policier les jours de mobilisation.