Le navire « Ocean-Viking » en mer Méditerranée juste après son départ de Marseille, le 7 août. / SOS MEDITERRANEE VIA AP

Le navire Ocean-Viking a rejoint jeudi 8 août l’Alan Kurdi dans la zone des secours sans avoir pu se ravitailler à Malte, l’Open Arms s’organise avec 121 migrants bloqués à bord : les ONG de secours en Méditerranée font de la résistance. Le même jour, le président du Parlement européen, l’Italien David Sassoli, a adressé un courrier à la Commission européenne pour lui demander d’intervenir en faveur des migrants secourus les 1er et 2 août par l’Open Arms.

« Si l’Europe ne peut pas protéger ceux qui sont en difficulté (...), qui ont pris la mer à la recherche d’une vie meilleure, elle aura perdu son âme, en plus de son cœur. »

En Italie, la fédération des Eglises protestantes et l’Eglise vaudoise, engagées dans l’accueil des migrants via des « couloirs humanitaires », ont proposé de les prendre en charge, de la même manière que l’Eglise catholique italienne a accueilli près de la moitié des rescapés bloqués pendant une semaine fin juillet sur Gregoretti, un navire des gardes-côtes italiens.

Mais Malte, qui avait accueilli dimanche 40 migrants de l’Alan Kurdi après un accord de répartition, a refusé de laisser débarquer les passagers de l’Open Arms. Et en Italie, le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini (Ligue, extrême droite), campe sur ses positions : « Le navire est espagnol et les immigrés à bord sont sous la responsabilité directe de Madrid. »

M. Salvini accuse également l’ONG de fabriquer des conditions d’urgence en refusant de se rendre en Espagne : « Peut-être que ces messieurs veulent faire une provocation politique. De toute évidence, la vie des gens à bord n’est pas leur vraie priorité, mais ils veulent à tout prix transférer des clandestins dans notre pays. »

Jusqu’à un million d’euros d’amende

En Espagne, le navire de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms risque une amende pouvant aller jusqu’à 900 000 euros pour s’être dérouté vers la zone de secours au large de la Libye alors qu’il avait été autorisé uniquement à se rendre en Grèce.

En vertu de la nouvelle loi anti-migrants adoptée, lundi, par le Parlement italien, l’ONG espagnole pourrait aussi subir la confiscation de son bateau et jusqu’à un million d’euros d’amende si elle pénètre dans les eaux territoriales italiennes comme l’avait fait en juin le Sea-Watch 3 commandé par l’Allemande Carola Rackete.

L’ONG a cependant saisi le tribunal des mineurs de Palerme (Sicile) pour réclamer que la trentaine de mineurs à bord – une poignée de jeunes enfants, dont des jumelles de 9 mois et leur mère camerounaise, et un grand nombre d’adolescents voyageant seuls – soient accueillis et confiés à des tuteurs. « C’est prévu par les articles 6 et 11 de la Convention de La Haye [sur la protection de l’enfance]. Nous respectons la loi », a insisté Proactiva Open Arms.

Après une semaine à bord, les réserves d’eau et de vivres s’amenuisent, ont expliqué les secouristes. Selon la presse italienne, le voilier Astral de l’ONG, pourrait quitter Barcelone pour aller ravitailler l’Open Arms.

Des réserves pour huit à dix jours d’opérations

L’Ocean-Viking a lui aussi connu des soucis de ravitaillement : le nouveau bateau de secours de SOS Méditerranée et Médecins sans Frontières (MSF) n’a pas pu s’arrêter jeudi soir au large de Malte pour faire le plein de carburant et d’eau.

Selon l’équipage, La Valette le lui a refusé au dernier moment, comme c’était déjà arrivé à l’Open Arms l’an dernier. Interrogées par un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP), les autorités maltaises n’ont ni confirmé ni démenti et se sont refusées à tout commentaire.

Le bâtiment de 69 mètres battant pavillon norvégien, qui avait quitté Marseille dimanche soir, a donc poursuivi sa route directement vers la zone des secours au large de la Libye, en réduisant légèrement sa vitesse à 8 nœuds pour économiser le carburant. « Mais on est prêt à accélérer si un bateau [à secourir] est repéré », a expliqué le coordinateur des secours, Nicholas Romaniuk, qui estime avoir encore suffisamment de réserves pour huit à dix jours d’opérations.

Jeudi à l’aube, l’équipage a commencé ses tours de veille sur la passerelle : armés de puissantes jumelles, les secouristes scrutent les flots, se relayant toutes les 90 minutes environ. Et la consigne a été donnée à chacun d’être désormais chaussé de manière à pouvoir sauter à tout moment dans les canots prévus pour aller au secours des embarcations en détresse.