Christophe Galtier, seul entraîneur français parmi les cinq plus gros budgets de Ligue 1, au stade de Toulouse, le 21 avril. / REMY GABALDA / AFP

En 32 ans de règne à l’Olympique lyonnais, jamais Jean-Michel Aulas n’avait fait confiance à un entraîneur étranger. Trop « risqué », mais aussi une affaire de « conviction », arguait le patron de l’OL, avant de changer sa conviction d’épaule. Pour la seconde fois de son histoire, après le yougoslave Vladimir Kovacevic en 1982, un coach étranger – le Brésilien Sylvinho – va s’asseoir sur le banc des Gones. Une « mini-révolution » pour la formation rhodanienne, une habitude pour les grands clubs de Ligue 1.

A l’orée de la nouvelle saison, qui débute vendredi 9 août, on retrouve l’Allemand Thomas Tuchel à Paris, le Portugais Leonardo Jardim à Monaco, son compatriote André Villas-Boas fraîchement arrivé à Marseille, et donc le novice Sylvinho à Lyon. Seul Lille, surprenant deuxième la saison passée, hisse encore un pavillon tricolore sur son banc, confié à Christophe Galtier.

Définir les caractéristiques

« Vous me parlez du Real Madrid ? Ah non, des clubs anglais ? », ironise Raymond Domenech. Président de l’Unecatef (Union nationale des entraîneurs et cadres techniques du football), le syndicat des entraîneurs, l’ancien sélectionneur des Bleus (de 2004 à 2010) insiste : la France est logée à la même enseigne que tous les grands championnats européens. « La mode est à l’entraîneur étranger. » Et en comparaison avec la Premier League anglaise et ses huit coachs locaux (neuf en comptant le nord-irlandais Brendan Rodgers) sur vingt équipes, la L1 serait même à envier.

Il n’empêche. Le recours aux techniciens venus d’ailleurs n’est pas forcément bien vu par les représentants des locaux. D’autant que les entraîneurs français ne sont guère mieux lotis à l’export. Hormis Zinedine Zidane, de retour au Real Madrid, et si l’on considère que la deuxième division anglaise, où officie Sabri Lamouchi, à Nottingham Forest, n’est pas tout à fait l’élite, les bancs des principaux championnats européens sont vierges de techniciens tricolores. En février dernier, après le licenciement de Claude Puel par Leicester, pour la première fois depuis 1996, aucun coach français n’entraînait en Angleterre, Allemagne, Espagne ou Italie. Là où la filière portugaise, par exemple, s’exporte en masse.

« On n’a pas de réseau ni d’identité collective », analyse Raymond Domenech. Les agents des coachs français ne boxent pas dans la même catégorie que les poids lourds, capables de dénicher rapidement un club européen à leurs poulains. Et difficile de définir les caractéristiques d’un technicien hexagonal, là où « les Espagnols ont réussi à s’approprier le beau jeu, les Italiens la science tactique et les Portugais l’image de meilleurs vendeurs, capables de faire progresser les pépites », constate l’ancien coach des Bleus.

Un argument que mettait en avant Luis Fernandez en février. « Ce n’est pas une question de savoir-faire, mais de réseaux. C’est simple, aucun entraîneur français ne travaille avec un agent capable d’avoir des connexions à l’étranger. » La trajectoire récente de l’ancien coach de l’OL, Bruno Genesio, en offre un témoignage doux-amer. Sous la houlette de l’influent agent Pini Zahavi, il a failli se retrouver à la tête du Newcastle FC. Pour finalement s’engager avec le club pékinois Beijing Guoan pour une pige de six mois dans le championnat chinois.

« Mêmes obligations de résultats »

Agents de joueurs et d’entraîneurs de L1, Christophe Hutteau « regrette une certaine frilosité » des présidents quand il s’agit de donner sa chance à un jeune technicien français. « Il y a en Ligue 2 des entraîneurs qui n’ont pas eu leur chance en Ligue 1 alors qu’ils ont fait leurs preuves, on préfère parfois tenter un coup avec un coach étranger. » S’il ne remet pas en question « la qualité des entraîneurs enrôlés, leurs compétences ou leur palmarès », il s’interroge sur ce « phénomène de mode » voulant que « l’herbe soit toujours plus verte ailleurs ».

Un accueil pour le moins sévère qui ne plaît guère à Christophe Dugarry. « En quoi est-ce un problème que nos sept premières équipes soient aujourd’hui entraînées par un coach étranger ? » s’est agacé le champion du monde 1998 à la fin de la saison passée. Pour le consultant de RMC Sport, leur palmarès parle pour eux, et « ils auront à faire aux mêmes obligations de résultats », à la différence de certains coachs français « qui n’ont jamais eu de résultats et qui ont réussi à rebondir une dizaine de fois, qui ont fait tous les clubs de L1 ».

Après Paris, Monaco et Marseille, Lyon a franchi le Rubicon cet été. Reste Lille, donc, parmi les cinq plus gros budgets du championnat. Presque un comble, au vu du projet du club nordiste, axé sur l’international. Mais après le cinglant échec de Marcelo Bielsa en 2017, le LOSC a trouvé, avec Christophe Galtier, un entraîneur capable de redresser un navire mal embarqué – à son arrivée, le club était 18e – et de le mener la saison d’après jusqu’en Ligue des champions. Un coach qui sait aussi lâcher la main sur le recrutement, composante essentielle de la politique de « trading » de jeunes joueurs à fort potentiel mis en place à Lille. Or tous les techniciens ne se plient pas de bonne grâce à cette reconstruction permanente. « C’est dans sa mentalité, et c’est son intelligence, souligne Christophe Hutteau. Christophe est dépourvu de cette mentalité franco-française qui voudrait tout verrouiller, rejeter tout ce qui vient de l’extérieur, et décider de tout. »