Une manifestante à l’aéroport de Hongkong, lundi 12 août. / ISSEI KATO / REUTERS

Commencé dans le calme vendredi 9 août, le dixième week-end de protestation que connaît Hongkong depuis la mi-juin s’est terminé dimanche soir dans la violence. L’occupation depuis vendredi d’une partie du hall d’arrivée de l’aéroport s’est d’abord déroulée dans une ambiance bon enfant. Les protestataires qui ont accueilli les voyageurs en s’excusant de la gêne occasionnée et en expliquant qu’ils se battaient pour la démocratie ont plutôt réussi leur opération de communication même si les visiteurs en provenance de Chine continentale se gardaient bien d’afficher la moindre empathie à leur égard.

Samedi, les centaines de parents et leurs jeunes enfants défilant sous un soleil de plomb ont montré que le mouvement de protestation restait populaire. Celui-ci a pourtant changé de nature depuis la manifestation fondatrice du 9 juin. Il s’agit moins désormais de lutter contre un projet de loi – désormais suspendu – facilitant les extraditions vers la Chine que de protester contre les violences policières et réclamer que Hongkong devienne une véritable démocratie. Son chef de l’exécutif est en effet toujours nommé par Pékin.

« Je suis l’eau », un slogan inspiré de Bruce Lee

La tactique des manifestants a également évolué. Aux grandes manifestations, les organisateurs préfèrent désormais les mobilisations éclair, bloquant simultanément plusieurs carrefours dans différents quartiers contraignant la police à se montrer extrêmement mobile. La stratégie des manifestants tient en un slogan, inspiré de Bruce Lee : « Je suis l’eau ». Menant leurs actions contre le gouvernement local et contre la Chine communiste, les manifestants ne s’en prennent ni aux commerces ni aux voitures mais exclusivement aux forces de l’ordre, notamment aux commissariats.

Un manifestant à l’aéroport de Hongkong, lundi 12 août. / TYRONE SIU / REUTERS

Dimanche, celles-ci ont non seulement décidé de riposter mais n’ont pas hésité à s’en prendre violemment aux manifestants. A la suite d’un tir reçu, une manifestante pourrait perdre un œil ; violemment plaqué au sol, un manifestant semble avoir perdu plusieurs dents… Surtout la police a tiré plusieurs grenades lacrymogènes à l’intérieur même d’une station de métro provoquant un véritable chaos.

Certains agents en civil s’infiltrent désormais parmi les manifestants avant de s’en prendre à ces derniers. Le site Hong Kong Free Press a mis en ligne tôt ce matin une vidéo d’un manifestant brutalement plaqué au sol par un homme portant le même équipement que les autres protestataires, c’est-à-dire un casque jaune et un tee-shirt noir, aidé d’un policier en uniforme.

[Graphic] Hong Kong police make bloody arrest, assisted by officers suspected to be undercover
Durée : 03:42

Bien que les violences policières choquent la population habituée depuis des décennies à des forces de l’ordre plutôt débonnaires, cette nouvelle stratégie est assumée par les autorités. Mercredi 7 août, celles-ci ont explicitement reçu comme instruction de Pékin – qui n’a aucune envie d’intervenir directement à Hongkong – de rétablir l’ordre, par tous les moyens.

Cathay Pacific menace ses employés de licenciement

De fait, ce week-end, contrairement à la journée de grève de lundi 5 août, la police n’a pas semblé débordée. Les nombreuses arrestations opérées au cours de ces manifestations – souvent interdites – ont également pour but de dissuader les plus modérés de participer aux prochaines actions. Pékin comme l’exécutif local semblent miser à la fois sur la peur, la lassitude d’une partie des Hongkongais et sur une marginalisation des activistes les plus violents. Beaucoup, à Hongkong, pensent que nombre d’étudiants pourraient mettre fin à leurs actions une fois la rentrée universitaire passée, au début de septembre.

Manifestation à l’aéroport de Hongkong, lundi 12 août. / TYRONE SIU / REUTERS

D’ores et déjà, les milieux d’affaires qui, en juin, voyaient d’un bon œil les manifestations contre le projet de loi sur les extraditions soutiennent désormais explicitement Carrie Lam, la chef de l’exécutif local, tant par crainte de l’impact des manifestations sur leur business que par peur des représailles de la Chine. En déclarant vendredi 9 août vouloir interdire le territoire chinois aux salariés grévistes de la compagnie aérienne de Hongkong, Cathay Pacific, Pékin a lancé un avertissement explicite à l’ensemble des entreprises. La direction de Cathay a averti lundi 12 août ses salariés qu’ils pourraient être licenciés s’ils « soutiennent ou participent aux manifestations illégales » à Hongkong.

Reste qu’à l’issue de ce week-end, aucune réponse politique n’a été apportée à un mouvement toujours soutenu par une grande majorité des Hongkongais.