Que s’est-il passé, jeudi à midi, au large de Nionoska, dans la région d’Arkhangelsk, dans le Grand Nord russe ? L’explosion survenue dans un centre de recherches nucléaires aurait fait cinq morts et au moins trois blessés. Lundi, les corps de cinq ingénieurs de l’agence russe nucléaire, Rosatom, ont été enterrés avec les honneurs. Mais le bilan réel reste flou et les circonstances précises de l’incident ne sont pas connues, tant l’absence de transparence des autorités russes rend les événements difficiles à reconstituer.

Un bâtiment de la base militaire de Nionoska, dans la région d’Arkhangelsk, le 9 novembre 2011. C’est dans cette base que s’est produit l’accident du 8 août. / - / AFP

Qu’est-ce qui a explosé ?

Après s’être contentées de déclarations floues pendant quatre jours, les autorités russes ont finalement reconnu, lundi, que l’accident était lié aux tests de « nouveaux armements », sans donner plus de précisions. Rosatom a également assuré vouloir « continuer le travail sur les nouveaux types d’armes, qui sera, dans tous les cas, poursuivi jusqu’au bout ».

Plusieurs experts cités par les agences de presse ont lié l’accident à la nouvelle génération de missiles vantés ces derniers mois par Vladimir Poutine comme « invincibles », « indétectables » ou « hypersoniques ». Le Bourevestnik (« oiseau de tempête », en russe), missile à propulsion nucléaire, ne serait pas encore au point, mais il aurait l’ambition de surmonter quasiment tous les systèmes d’interception. L’OTAN a donné à ce missile russe le nom de Skyfall.

En 2018, à quelques semaines de la présidentielle russe, Vladimir Poutine avait fait de la présentation de nouveaux missiles russes une démonstration de force à destination de l’étranger. « Personne ne voulait nous parler, personne ne voulait nous écouter. Ecoutez désormais », avait-il lancé, assurant que les nouvelles forces balistiques nucléaires de haute technologie de l’armée russe dépassent tout autre système de défense au monde.

Un nouveau détail a émergé lundi : l’accident aurait également impliqué un petit réacteur nucléaire, selon le directeur scientifique du centre militaire, Vyacheslav Soloviev. Comment un réacteur nucléaire peut-il être impliqué dans un lanceur de missile ? Les explications fournies pour l’instant par les autorités russes ont de quoi susciter des interrogations.

Dans une déclaration elliptique sur Twitter, le président américain, Donald Trump, a assuré que les Etats-Unis « ont beaucoup appris sur l’explosion d’un missile défectueux en Russie », ajoutant : « Nous avons une technologie similaire, mais plus avancée. »

Quelles sont les circonstances de l’accident ?

La base où s’est produit l’accident, ouverte en 1954 et spécialisée dans les essais de missiles de la flotte russe, notamment des missiles balistiques, est située en mer, près du village de Nionoska, dans le Grand Nord. Comme beaucoup de sites soviétiques, elle a longtemps été absente des cartes géographiques.

Les cinq ingénieurs ont, eux, été enterrés lundi, à Sarov, à 400 kilomètres à l’est de Moscou, qui accueille le principal centre de recherches nucléaires russe. Ce site n’est pas un lieu anodin : c’est ici que furent conçues les premières bombes atomiques soviétiques. Il s’agit d’une ville fermée, sous très haute surveillance et interdite d’accès aux étrangers sans autorisation, et qui a longtemps été absente des cartes.

A Sarov, à quelque 400 kilomètres de Moscou, se sont tenues, lundi 12 août, les obsèques des cinq ingénieurs morts au cours de l’accident. / AP

L’agence nucléaire russe, Rosatom, pour qui travaillaient les cinq ingénieurs tués, a la spécificité de couvrir l’ensemble de la chaîne nucléaire civile et militaire en Russie. Elle s’occupe aussi bien de la construction de centrales nucléaires, de l’uranium, du traitement des déchets, des missiles à propulsion nucléaire et d’une flotte de brise-glaces nucléaires. C’est également Rosatom qui vend et construit des centrales nucléaires russes à l’étranger, notamment en Egypte, en Turquie, en Hongrie ou en Finlande.

Y a-t-il des risques de contamination ?

Les autorités russes ont voulu se montrer rassurantes en assurant qu’aucune contamination radioactive n’a été constatée après l’accident. Mais les déclarations contradictoires se sont multipliées.

Contrairement à ce qu’a déclaré le ministère de la défense, la mairie de Severodvinsk, ville située près du site, a ainsi expliqué que « les capteurs de [la ville] ont enregistré une brève hausse de la radioactivité », sans préciser jusqu’à quel niveau. « Cette radioactivité est maintenant revenue à la normale », a cependant insisté la mairie, avant de retirer sa publication.

Mardi, l’agence météorologique russe a confirmé que le niveau de radiation dans la zone a été seize fois supérieur à la normale dans la ville de Severodvinsk. Un des capteurs a notamment relevé un taux de radioactivité de 1,78 microsievert par heure, tandis que la limite réglementaire est de 0,6 microsievert/heure en Russie et que la radioactivité naturelle moyenne à Severodvinsk est de 0,11 microsievert/heure. L’agence précise toutefois que ces niveaux de radioactivité auraient ensuite décliné très rapidement, dans les deux heures suivant l’accident, avant de revenir à la normale.

Dans les villes alentour, les habitants ont cherché à se procurer des pastilles d’iode stable, qui permettent de protéger leur thyroïde en cas de rejet accidentel d’iode radioactif dans l’atmosphère. La Norvège a annoncé avoir renforcé sa surveillance des radiations mais n’a rien détecté d’anormal.

Après l’explosion, la Russie a aussi fermé à la navigation une partie de la baie de la Dvina, sur la mer Blanche, à la navigation. Sans que l’on sache si cette décision a un but de protection environnementale ou une volonté d’empêcher des curieux d’assister à une opération de récupération des débris tombés dans la mer.