Stéphanie Frappart désigne le point de penalty lors de la finale de la Coupe du monde féminine 2019. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

Stéphanie Frappart commence à s’y habituer. A chaque nouveau palier franchi, l’arbitre française, d’ordinaire discrète, est propulsée sous le feu des projecteurs. Elle se souviendra longtemps de son été 2019.

A 35 ans, la Francilienne dirigera la Supercoupe d’Europe, mercredi 14 août, à Istanbul (Turquie). Une rencontre de prestige qui oppose chaque année les vainqueurs de la Ligue des champions et de la Ligue Europa, soit cette année Liverpool et Chelsea.

Cette nomination est une première pour une femme. Et quelle première… Dans les annales des Coupes d’Europe, on ne retrouve la trace que d’une seule arbitre féminine, la Suissesse Nicole Petignat, qui avait officié à un échelon plus modeste lors de trois matchs de qualification de Coupe de l’UEFA, entre 2004 et 2009.

Cette désignation par l’UEFA est venue parachever une année 2019 déjà historique pour Stéphanie Frappart. Sélectionnée pour la Coupe du monde féminine en France, elle a eu l’honneur d’en arbitrer la finale entre les Etats-Unis et les Pays-Bas, le 7 juillet à Lyon.

Deux mois auparavant, le 28 avril, elle avait réalisé l’un de ses rêves : devenir la première arbitre centrale d’un match de Ligue 1 masculine, la rencontre entre Amiens et Strasbourg. Puis, le jour du match d’ouverture du Mondial, le 7 juin, elle se voyait officiellement attribuer le statut d’arbitre de l’élite du football français pour la saison 2019-2020.

« J’ai accompli deux de mes objectifs en deux mois », a-t-elle glissé à l’Agence France-Presse (AFP), pendant le stage de reprise des arbitres en juillet au Centre national du football de Clairefontaine (Yvelines). « Le plus dur commence, je sais que je suis attendue. Je vais devoir faire ma place comme je l’ai faite en Ligue 2, comme tout arbitre ».

A jamais la première

L’ex-jeune footballeuse de l’AS Herblay (Val-d’Oise) a gravi les échelons un à un depuis qu’elle s’est tournée vers l’arbitrage à 13 ans, au milieu des années 1990. « Avec l’arbitrage, je me suis dit qu’il y avait peut-être plus d’opportunités d’évoluer au haut niveau. A l’époque, le foot féminin était un peu moins développé. Peut-être qu’aujourd’hui le choix aurait été un peu plus compliqué », déclarait-elle dans un reportage de Bein Sports, en 2018.

Investie et déterminée, elle devient à 19 ans arbitre en division d’honneur régional en Ile-de-France, où elle ne passe pas inaperçue et reçoit son lot de remarques sexistes, venant surtout des tribunes. « Il faut être passionnée pour rester dans l’arbitrage quand on se fait insulter chaque week-end au niveau amateur. J’étais un peu une tête de mule. J’ai toujours été dans un monde de garçons », confiait-elle au Monde à la mi-avril.

Après des études de Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives), elle passe haut la main les tests physiques et théoriques pour arriver jusqu’au plus haut niveau. « Les joueurs ne vont pas aller moins vite car l’arbitre est une femme », faisait aussi remarquer celle qui veut être jugée comme ses homologues masculins sur ses compétences.

Réservée mais exigeante, elle débute en Ligue 2 le 8 août 2014. Elle devient la première femme arbitre centrale d’un match professionnel masculin et vole la vedette des joueurs de Niort et de Brest le temps d’une soirée dans les médias.

2014 : Le 1er match de Stéphanie Frappart en ligue 2 | Archive INA
Durée : 02:32

Depuis, si certains footballeurs se demandent encore avant un match s’ils doivent dire « Monsieur ou Madame l’arbitre », sa présence ne pose plus de problème.

« Elle a une petite voix mais elle a du charisme, de la personnalité. Elle utilise des mots justes, elle explique, elle est diplomate et on peut discuter avec elle. Elle ne cherche pas à se mettre en avant. Son objectif, c’est vraiment le jeu », assurait le milieu d’Orléans Pierre Bouby, qui l’avait présentée comme « la meilleure arbitre en Ligue 2 » dans une interview à L’Equipe l’an dernier. En cinq saisons parmi les professionnels, ses arbitrages ont rarement été critiqués.

Un rôle de première de cordée assumé

Avec 77 matchs de Ligue 2, deux de Ligue 1, deux Coupes du monde et un Euro féminins ainsi qu’un tournoi olympique à son compteur, Stéphanie Frappart est aujourd’hui la seule arbitre centrale au plus haut niveau en France sur les quelque 1 000 femmes en noir (sur plus de 26 000 arbitres).

« L’un de mes rôles, c’est aussi de susciter des vocations en donnant envie aux filles de commencer l’arbitrage. Je le prends à cœur parce que je me dis que j’ai entrouvert des portes », confiait-elle à l’AFP cet hiver.

Dans les cinq grands championnats, elles ne sont que deux à officier en tant qu’arbitre centrale, Stéphanie Frappart et l’Allemande Bibiana Steinhaus. Par le passé, les spectateurs du championnat de France se souviennent aussi de Nelly Viennot, arbitre de touche entre 1996 et 2007.

Pour cette Supercoupe d’Europe, la Française sera assistée d’une équipe féminine, sa compatriote Manuela Nicolosi et l’Irlandaise Michelle O’Neal, qui l’accompagnaient également lors de la finale de la Coupe du monde féminine, ainsi que de son autre compatriote Clément Turpin, à l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR).

Pionnière de l’arbitrage, Stéphanie Frappart ne cesse de franchir les étapes sans jamais se départir de son aplomb. La France a peut-être enfin trouvé l’héritière de Michel Vautrot, seul Français désigné meilleur arbitre du monde en 1988 et en 1989.