L’« Open Arms » a jeté l’ancre au large de Lampedusa, en Italie. / GUGLIELMO MANGIAPANE / REUTERS

La crise politique italienne a ajouté un peu plus de confusion autour de l’avenir des 147 migrants secourus par le navire humanitaire de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms. Jeudi 15 août, le bateau a jeté l’ancre juste en face de l’île de Lampedusa, en Italie, en plein débat gouvernemental sur la légitimité de leur présence dans les eaux italiennes.

Le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, qui réclame une rotation en Europe des ports de débarquement, avait signé début août un décret interdisant, au nom de la défense de l’ordre public, les eaux italiennes à l’Open Arms. Mais mercredi, une décision prise par un tribunal administratif, à la suite d’un recours de l’ONG, a suspendu ce premier décret.

Dans la foulée, Matteo Salvini a donc signé un nouveau décret pour barrer la route au bateau. Son pouvoir de ministre se trouve toutefois grandement affaibli depuis qu’il a fait voler en éclat, jeudi dernier, l’alliance gouvernementale nouée il y a quatorze mois avec le Mouvement cinq étoiles (M5S, antisystème). Les décrets de M. Salvini doivent notamment être signés par la ministre de la défense, qui se trouve précisément être membre du M5S, formation qui n’entend de toute évidence plus suivre ses ordres après avoir été lâchée.

« J’ai décidé de ne pas signer le nouveau décret du ministre de l’intérieur destiné à empêcher l’entrée, le transit et l’arrêt dans les eaux territoriales du bateau de l’ONG Open Arms, a ainsi expliqué jeudi la ministre de la défense italienne, Elisabetta Trenta. J’ai pris cette décision motivée de solides raisons légales, en écoutant ma conscience. Nous ne devons jamais oublier que derrière les polémiques de ces derniers jours, il y a des enfants et des jeunes qui ont souffert de violences et d’abus de tous types. La politique ne peut jamais perdre de vue l’humanité. »

La veille, Mme Trenta avait dépêché deux navires pour escorter l’Open Arms et évacuer les 32 mineurs embarqués depuis deux semaines. Réagissant sur les réseaux sociaux, jeudi, Matteo Salvini lui a vertement rétorqué :

« Humanité ne signifie pas aider les trafiquants et les ONG. C’est grâce à ce concept présumé “d’humanité” que dans les années de gouvernement démocrate, l’Italie est devenue le camp de réfugiés de l’Europe. L’humanité, c’est investir sérieusement en Afrique, certainement pas d’ouvrir les ports italiens. »

Six pays européens prêts à accueillir une partie des migrants

Proactiva, qui avait assuré la veille qu’elle n’envisageait pas d’accoster de force, a précisé que les migrants à bord « savent qu’il n’y a pas de port pour eux, mais voir la terre ferme les calme ». Dans le même temps, six pays de l’UE se sont manifestés pour accueillir une partie des 147 migrants embarqués sur le navire, a annoncé jeudi en début d’après-midi le président du conseil italien, Giuseppe Conte. « La France, l’Allemagne, la Roumanie, le Portugal, l’Espagne et le Luxembourg viennent juste de m’indiquer qu’ils sont prêts à recevoir des migrants », a-t-il écrit dans une lettre ouverte adressée à M. Salvini.

L’Ocean Viking, le navire de SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF) qui cherche également un port pour plus de 350 migrants, se dirigeait jeudi vers le nord et se trouvait bien au-delà de Lampedusa et de Malte.