Rassemblement de soutien à Vincenzo Vecchi devant la cour d’appel de Rennes (Ille-et-Vilaine), le 14 août. / SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Vincent Papale a été arrêté jeudi 8 août à Saint-Gravé, dans le Morbihan. C’est du moins le nom qui figurait sur un document que les policiers de la Brigade nationale de recherche des fugitifs (BNRF) ont trouvé sur lui ce matin-là, alors qu’il allait travailler.

Pour ses amis de Rochefort-en-Terre, Malansac et autres villages du Pays de Questembert, c’était simplement Vincent, ou alors Vincenzo, puisque ce peintre en bâtiment de 46 ans, établi en Bretagne depuis 2011, est Italien.

« Ici, les gens s’appellent par leur prénom, et on ne leur demande par leur pedigree quand ils arrivent », explique Elise, qui ignorait donc, comme tous les autres, que leur ami s’appelait en réalité Vincenzo Vecchi, qu’il avait été condamné à de lourdes peines pour des violences commises lors de manifestations à Gênes et à Milan en 2001 et 2006, et que deux mandats d’arrêt européens avaient été émis contre lui par les autorités judiciaires italiennes.

« C’était quelqu’un d’assez discret ; maintenant on comprend pourquoi », dit Elise, qui décrit Vincenzo comme « un voisin, un pote, le type avec qui on part se balader ou faire du canoë ».

Passé la « sidération », les habitants de Rochefort-en-Terre et alentour ont lancé des opérations de soutien pour leur camarade, parfaitement inséré aux dires de tous et impliqué comme beaucoup dans la vie associative locale, mais désormais sur le point d’être renvoyé de l’autre côté des Alpes.

« Libérez Vincenzo »

Entre 200 et 300 personnes ont ainsi fait une heure de route, mercredi 14 août, pour se rassembler sur le parvis de la cour d’appel de Rennes, où le sort de Vincenzo Vecchi se joue devant la chambre de l’instruction. « Libérez Vincenzo », réclament les banderoles. L’inquiétude est vive, mais l’atmosphère chaleureuse, et le rassemblement calme.

Peu avant midi, l’audience débute dans une petite salle où dix-sept membres du comité de soutien – ses amis les plus proches – ont été autorisés à prendre place. Sorte de Steve Jobs à moustache, Vincenzo Vecchi, entouré de gendarmes dans son box vitré, les accueille avec un sourire et des clins d’œil discrets derrière ses lunettes.

La présidente de la cour rappelle les faits qui lui ont valu deux condamnations en Italie, en 2007 et en 2009, à respectivement quatre ans et douze ans et demi de prison. La première, devenue « irrévocable » en 2008, concerne des violences commises lors d’une contre-manifestation à Milan, en 2006, face au rassemblement du parti d’extrême droite Movimento Sociale Fiamma Tricolore.

Bien plus lourde, la condamnation de 2009, devenue « irrévocable » en 2012, concerne les violences qui avaient marqué les manifestations anti-G8 à Gênes, en 2001, lors d’un week-end catastrophique sur le plan du maintien de l’ordre, au cours duquel un jeune militant avait été tué par un policier. Outre des dégradations et un port d’armes prohibé, Vincenzo Vecchi est accusé d’avoir « poursuivi un photographe qui prenait des photos des dégradations, et de l’avoir frappé avec un bâton et volé son appareil », explique la présidente de la cour, lisant le mandat d’arrêt européen.

Supplément d’information

La procédure, bien plus simple que celle de l’extradition qu’elle a remplacée en 2002 dans l’espace Schengen, permet aux autorités judiciaires des pays concernés de se voir remettre rapidement leurs ressortissants en fuite. En 2016, 16 636 mandats d’arrêt européens ont été émis ; 5 812 ont été exécutés.

La justice française n’a pas à rejuger les « affaires Vecchi » : les décisions de la justice italienne ne peuvent être remises en cause. Elle doit en revanche s’assurer que les procédures se sont déroulées dans les règles, c’est-à-dire que l’intéressé a pu se défendre – en étant présent ou représenté à ses procès, ou au moins en ayant été convoqué dans les règles de l’art – ou qu’il dispose, dans le cas contraire, de voies de recours pour être rejugé.

L’avocat général prend la parole en premier. Il demande à la cour « d’accorder aux autorités italiennes la remise de Vincenzo Vecchi », affirmant que le mandat d’arrêt relatif à la condamnation milanaise est « recevable et valable ». Mais il estime dans le même temps que celui lié à la condamnation à Gênes est incomplet : « La cour semble insuffisamment informée, une information complémentaire semble indispensable. »

L’avocate de Vincenzo Vecchi s’engouffre dans la brèche pour demander à son tour un supplément d’information, et ainsi obtenir un délai pour son client. « Il manque un certain nombre d’éléments essentiels », estime Me Catherine Glon, qui dit notamment n’avoir aucune preuve que son client ait été présent au moment de l’énoncé du verdict de Gênes en 2012, par exemple.

Une première décision le 23 août

Par ailleurs, l’avocate évoque une éventuelle prescription des faits de Milan, qui annulerait le mandat d’arrêt, selon elle. Enfin, Me Catherine Glon s’inquiète des conditions de détention qui attendent son client en Italie, faisant référence à l’article 41 bis, « qui permet des conditions exceptionnelles de détention, pour ceux qu’on considère encore comme des prisonniers politiques, incompatibles avec la Convention européenne des droits de l’homme. Il appartient aux autorités judiciaires françaises de vérifier qu’on ne porte pas atteinte à la sécurité de mon client. » « Je n’ai rien à ajouter », conclut Vincenzo Vecchi, peu disert.

Une décision sera rendue le 23 août. Si la cour souhaite un supplément d’information, les autorités judiciaires italiennes auront dix jours pour le lui faire parvenir, après quoi une nouvelle date d’audience sera fixée, et le sort de Vincenzo Vecchi sera de nouveau en jeu.

A la sortie de la cour d’appel de Rennes, Elise est un peu soulagée : « On avait imaginé le pire, on craignait l’extradition directe. »

Jean-Baptiste s’adresse à la foule du haut des marches : « On a commencé en lançant des bouteilles à la mer, on ne pensait pas que ça allait susciter autant de réactions. Merci d’être là, on a fait un travail formidable, c’est magnifique ! » La foule applaudit.

Cet Italien arrivé par amour à Rochefort il y a treize ans voit derrière l’arrestation de Vincenzo Vecchi la main du ministre italien de l’intérieur Matteo Salvini. « C’est la bête immonde qui revient, il a besoin d’avoir un trophée de chasse. Eh bien le trophée de chasse, ça ne sera pas Vincenzo ! », dit-il, avant d’admettre : « C’est mission impossible, on sait que ça va être difficile, mais on a décidé de tout essayer. C’est clair, on va continuer. »