Des supporteurs de Nice à Lyon, en 2017. / PHILIPPE DESMAZES / AFP

Ils payent leurs impôts, ont une famille, un métier, mais une passion coupable aux yeux des autorités : le football. Pis, ils se déplacent avec leurs amis pour supporter leur équipe de cœur. Ou tentent de le faire. Après un premier arrêté préfectoral interdisant le déplacement des supporteurs de l’OGC Nice, samedi 17 août au stade des Costières de Nîmes pour soutenir le Gym, le ministère de l’Intérieur a publié un autre arrêté interdisant tout simplement aux supporteurs de se déplacer dans le Gard ou les Alpes-Maritimes. Une décision inédite. Liberticide, diront certains.

Le premier acte a eu lieu le 9 août dernier avec la publication d’un arrêté de la préfecture du Gard interdisant la venue des supporteurs niçois à Nîmes. Le texte évoque pêle-mêle le « très fort antagonisme entre les deux clubs des supporteurs ultras (Brigade Sud Nice et Gladiators GN 91) », le fait que « certains membres de supporteurs ultras niçois ont avancé l’idée d’en découdre avec leurs ennemis nîmois », en invoquant un « incident » survenu en 2015 au cours duquel « une centaine de supporteurs ultras de l’OGC Nice sont arrivés discrètement dans le centre-ville de Montpellier et se sont regroupés dans un bar (…) et n’ont pas hésité à provoquer leurs homologues montpelliérains. »

Le groupe de supporteurs niçois Populaire Sud a réagi pour protester contre cette décision en annonçant son intention de se rendre malgré tout dans le Gard, tout en précisant vouloir respecter le périmètre interdit. La réponse de la préfecture a été rapide, et brutale, par la forme d’un nouvel arrêté pris le 15 août et stipulant que « le déplacement individuel ou collectif, par tout moyen, de toute personne se prévalant de la qualité de supporter du club de l’OGC Nice, ou se comportant comme tel, est interdit entre les communes du département des Alpes-Maritimes, d’une part, et la commune de Nîmes (Gard), d’autre part. »

Un traitement plus sévère « que pour les fichés S »

Le ministère de l’intérieur a précisé que des contrôles seront effectués pour faire respecter cet arrêté préfectoral. Les contrevenants s’exposent à des peines de six mois de prison et 30 000 euros d’amende. Pour l’un des porte-parole de Populaire Sud, interrogé par France Bleu Azur, c’est du « jamais-vu ». Il dénonce un traitement plus sévère « que pour les fichés S ».

« Je suis dans le milieu depuis vingt ans et je n’ai jamais vu ça. Si on était des gangsters, des voyous, je comprendrais ces mesures, mais je suis père de famille, j’ai un boulot, je veux juste soutenir mon club. »

Fait plutôt rare, le club de Nice a également dénoncé officiellement cette décision de la préfecture et annoncé vouloir attaquer devant la justice chaque arrêté préfectoral restreignant les déplacements de ses supporteurs. « La colère vient s’ajouter au mécontentement », a d’abord réagi l’OGCN, avant de déplorer « une décision injuste prise, main dans la main, par l’ensemble des autorités, qui utilisent avec excès leur pouvoir pour pénaliser les supporters en général et les Niçois en particulier, au détriment de tous les efforts effectués par le club et ces derniers pour organiser le déplacement dans des conditions optimales. »

C’est la quarante-troisième fois en dix ans que les supporters du Gym sont interdits de déplacement. Selon l’Association nationale des supporteurs (ANS), le nombre d’interdictions a dépassé 600 au niveau national en fin de saison dernière. Une inflation qui n’est pas près de s’arrêter.

Déjà le huitième arrêté depuis le début de la saison

Il s’agit déjà du huitième arrêté pris depuis le début de la saison restreignant la circulation des supporteurs. Lors de la première journée inaugurale, les supporteurs de Saint-Etienne s’étaient notamment vu interdire de circuler dans le centre-ville de Dijon. Une décision prise pour le lendemain même, occasionnant notamment quelques problèmes logistiques aux familles venues assister à cette rencontre.

Dimanche, ce sont les supporteurs parisiens qui seront interdits de déplacement dans le centre-ville de Rennes. James Rophe, porte-parole de l’ANS, cité par Ouest-France, reconnaît qu’« on fait peser une telle charge, une responsabilité tellement lourde, aux préfectures en cas d’incident », que les préfets sont enclins à prendre ces mesures préventives. Mais il regrette de ne pas avoir « aujourd’hui une organisation posée pour discuter sereinement en amont avec les autorités. C’est un système où la préfecture décide unilatéralement, sans concertation ».

Le quotidien a également listé les questions pratiques posées par ses internautes sur sa page Facebook. « Comment fait-on avec les Parisiens qui sont là en touristes ? » « Comment fait un Rennais supporteur du PSG qui habite dans le centre de Rennes ? » « Comment les supporteurs parisiens qui arrivent le samedi peuvent accéder au stade avec leurs billets le dimanche ? » « Si on ne s’affiche pas en supporteur, pourra-t-on accéder au parcage du stade ? » Autant de questions auxquelles même les forces de l’ordre auront du mal à répondre.