Un cinquième des vols de Cathay sont à destination ou en provenance de la Chine continentale, tandis que les passagers chinois représentent environ 80 % des passagers sur les vols vers d’autres marchés. / DALE DE LA REY / AFP

Cathay Pacific a annoncé vendredi 16 août la démission de son directeur général, Rupert Hogg, après que la compagnie aérienne de Hongkong a essuyé les représailles de Pékin relatives à la mobilisation à Hongkong, qui est sans précédent depuis sa rétrocession par Londres à la Chine, en 1997.

Pékin reproche à certains personnels de la compagnie d’avoir affiché leur soutien aux manifestations prodémocratiques. M. Hogg a démissionné, « assumant la responsabilité, en tant que dirigeant de la compagnie, des récents événements », précise Cathay dans un communiqué. M. Hogg a été remplacé par Augustus Tang, une figure du groupe Swire, conglomérat sis à Hongkong et principal actionnaire de Cathay.

Un autre dirigeant de Cathay, Paul Loo, directeur de la clientèle et des affaires commerciales, a également annoncé son départ en invoquant les mêmes raisons que M. Hogg, selon le communiqué.

Employés licenciés

La semaine dernière, la participation de certains des 27 000 employés de la compagnie aérienne aux manifestations prodémocratie à Hongkong et l’expression de leur soutien au mouvement qui dure depuis dix semaines ont provoqué l’ire des nationalistes chinois.

Les dirigeants de Cathay s’étaient empressés de rassurer Pékin en prenant leurs distances avec la mobilisation prodémocratie, promettant lundi de licencier tout employé soutenant ou participant aux « manifestations illégales ». Quatre employés ont été licenciés et un pilote aété suspendu.

Cette crise survient alors que la compagnie sort d’une période de difficultés économiques. Les manifestations de masse à l’aéroport international de Hongkong, l’un des plus actifs du monde, ont provoqué des centaines d’annulations de vols alors que Cathay Pacific commence à redresser ses comptes après deux années déficitaires. Dépendante de la Chine, la compagnie doit se plier aux contraintes imposées par Pékin. Ainsi, à partir de dimanche, Cathay Pacific devra fournir à la Direction générale de l’aviation chinoise les noms des personnels navigants à bord de ses vols à destination de la Chine ou traversant son espace aérien. Pékin a annoncé que les employés soutenant le mouvement prodémocratie ne seraient pas autorisés sur ces vols. Cathay Pacific avait fait savoir qu’elle se plierait à ces demandes.

Boycottage fatal

Lundi, à la Bourse de Hongkong, le titre de la compagnie aérienne a plongé de 4,37 % après cette annonce. Les analystes estiment que Cathay est très vulnérable à tout boycottage de Pékin. « Ils sont extrêmement dépendants du marché continental chinois », a relevé Brendan Sobie, analyste du Centre for Aviation, tout en rappelant qu’un cinquième des vols de la compagnie sont à destination ou en provenance de la Chine continentale, tandis que les passagers chinois représentent environ 80 % des passagers sur les vols vers d’autres marchés.

Des appels à boycotter la compagnie se sont d’ailleurs répandus sur les réseaux sociaux et le hasthag #boycottCathayPacific, apparu la semaine dernière sur le site Internet de Sina Weibo, a généré jusqu’à mercredi plus de 45 millions de vues. Face à la colère de Pékin, Cathay tente de limiter les dégâts. Les experts soulignent que le transporteur n’a eu d’autre choix que de prendre ses distances sans équivoque. « Quels que soient les sentiments personnels, il s’agit d’une société cotée en Bourse. Ils doivent rendre des comptes à leurs actionnaires. Et les affaires chinoises sont cruciales pour eux », a déclaré un analyste du secteur qui a souhaité conserver l’anonymat.

Le gouvernement chinois a encore accru lundi sa dénonciation des manifestations en faveur de la démocratie à Hongkong, disant voir « des signes de terrorisme » derrière la contestation violente du pouvoir en place.

« Les manifestants radicaux de Hongkong ont à plusieurs reprises eu recours à des objets extrêmement dangereux afin d’attaquer des policiers, ce qui constitue déjà un crime grave et révèle de premiers signes de terrorisme », a accusé depuis Pékin le porte-parole du Bureau des affaires de Hongkong et Macao, Yang Guang.

Exercices militaires aux portes de Hongkong

Alors que le ton continue de monter à Pékin, deux médias publics, le Quotidien du peuple et le Global Times, émanations directes du Parti communiste, au pouvoir, ont diffusé une vidéo censée représenter des blindés de transport de troupes se dirigeant vers Shenzhen, la ville de Chine continentale qui fait face à Hongkong.

L’armée chinoise elle-même a diffusé une photo assortie d’une menace explicite : « Il faut dix minutes pour atteindre Hongkong à partir du stade de Chunjian près de la baie de Shenzhen et c’est à 56 km de l’aéroport de Hongkong. » L’armée chinoise disposerait de 6 000 hommes à Hongkong même, mais la plupart des troupes seraient en fait stationnées en Chine continentale, où les terrains sont moins chers et les manœuvres plus faciles à effectuer.

La présence de troupes chinoises à Shenzhen n’est pas une nouveauté. Ce qui l’est, c’est que la Chine les exhibe pour faire pression sur les manifestants de Hongkong. Depuis le 1er août, trois vidéos ont été diffusées, montrant des manœuvres de l’armée ou de la police militaire chinoise effectuées à Shenzhen et faisant explicitement référence à Hongkong. Mercredi 14 août, l’ambassadeur chinois au Royaume-Uni, ancienne puissance tutélaire du territoire, Liu Xiaoming, a pour sa part déclaré que « Pékin ne restera[it] pas les bras croisés » si la situation devenait « incontrôlable »

Pourquoi Hongkong est (encore) dans la rue
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