Des membres de l’équipage s’activent pour changer le nom du « Grace 1 », conformément à la demande de son propriétaire, le 17 août 2019. / Marcos Moreno / AP

Le gouvernement du territoire britannique de Gibraltar a refusé, dimanche 18 août, de retenir le pétrolier iranien Grace 1, qui s’apprête à quitter ses eaux territoriales. Les Etats-Unis avaient émis vendredi un mandat pour le saisir.

« En vertu du droit européen, Gibraltar est dans l’impossibilité de prêter l’assistance demandée par les Etats-Unis », ont expliqué les autorités du Rocher dans un communiqué, ajoutant que « le régime des sanctions de l’Union européenne est fondamentalement différent de celui des Etats-Unis ». De plus, la réglementation européenne « interdit spécifiquement d’appliquer certaines lois américaines », dont celles sur les sanctions contre l’Iran.

Gibraltar avait arraisonné le 4 juillet le pétrolier Grace 1, soupçonné de transporter 2,1 millions de barils de pétrole iranien jusqu’en Syrie, en application des sanctions européennes contre le pays présidé par Bachar Al-Assad. Jeudi, Gibraltar a cependant affirmé avoir reçu la promesse écrite de Téhéran que ce pétrole ne serait pas envoyé en Syrie, et la Cour suprême avait alors levé l’immobilisation du navire.

Changement de nom, de pavillon et préparatifs pour lever l’ancre

Le porte-parole de la diplomatie iranienne, Abbas Moussavi, a pourtant affirmé vendredi que son pays n’avait donné à Gibraltar « aucune garantie concernant le fait que le Grace 1 n’irait pas en Syrie ». « La destination du pétrolier n’était pas la Syrie (…) et même si c’était le cas, cela n’est l’affaire de personne », a-t-il déclaré, cité par un site de la chaîne de télévision d’Etat, IRIB. « Notre pétrolier illégalement saisi a été relâché. Cette victoire, obtenue sans leur donner de concessions, est le résultat d’une diplomatie puissante et d’une volonté forte de se battre pour les droits de la nation », a pour sa part tweeté le porte-parole du gouvernement, Ali Rabiei.

Peu après ces déclarations, le porte-parole du gouvernement de Gibraltar a pourtant « confirmé que la République islamique d’Iran s’était engagée » à ne pas envoyer en Syrie les barils de pétrole.

De son côté, le vice-directeur des ports iraniens et de l’organisation maritime, Jalil Eslami, a annoncé vendredi que le navire allait partir en Méditerranée sous pavillon iranien, et non plus panaméen. « Conformément à la demande de son propriétaire, le Grace 1 partira en mer Méditerranée après avoir changé de pavillon pour celui de la République islamique d’Iran et avoir été renommé Adrian Darya pour le voyage », a indiqué M. Eslami, dont les propos ont été retransmis par la télévision iranienne. « Le navire était d’origine russe et (…) transportait deux millions de barils de pétrole iranien », a-t-il ajouté, sans préciser la destination finale du pétrolier.

Tensions

La saisie du pétrolier par Gibraltar et la marine britannique a provoqué une importante crise diplomatique entre Téhéran et Londres, ainsi que des mesures de représailles de l’Iran, qui a arraisonné depuis trois autres pétroliers, dont un battant pavillon britannique le 19 juillet.

L’arraisonnement du navire est également intervenu sur fond de fortes tensions entre Téhéran et les Etats-Unis – alliés du Royaume-Uni – après des sabotages et attaques de navires dans le Golfe et la destruction d’un drone américain par Téhéran.

La volonté américaine de saisir le navire iranien devrait ouvrir un nouveau front. Les Etats-Unis avaient jusqu’ici demandé de prolonger l’immobilisation du pétrolier. Mais le président de la Cour suprême de Gibraltar, Anthony Dudley, avait affirmé ne pas avoir reçu par écrit cette demande.

La « tentative de piraterie » américaine a échoué, s’était réjoui sur Twitter le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, fustigeant « le niveau de mépris qu’a l’administration Trump pour la loi ». Les Etats-Unis, avait-il ajouté, avaient « tenté d’abuser du système judiciaire et de voler les biens [iraniens] en haute mer ».

Si le capitaine et les trois officiers du Grace 1 ont été libérés, ils risquent désormais d’être interdits de visa aux Etats-Unis, a menacé le département d’Etat américain dans un communiqué.

Nucléaire iranien : comment les Etats-Unis imposent leur droit au reste du monde
Durée : 03:03