Un magasin Huawei à Pékin, en mai 2019. / FRED DUFOUR / AFP

Les gouvernements ougandais et zambien ont réfuté, vendredi 16 août, l’enquête du Wall Street Journal (WSJ) selon laquelle ils avaient intercepté les communications numériques de leurs opposants à l’aide de l’entreprise chinoise de télécoms Huawei. « L’article du WSJ sur l’espionnage des opposants politiques par le gouvernement est malveillant, nous le démentons avec le mépris qu’il mérite », a tweeté Dora Siliya, la ministre zambienne de l’information. Dans une interview à l’AFP, Don Wanyama, le porte-parole de la présidence ougandaise, a également réagi en niant les informations présentées dans l’article.

Dans son enquête publiée mercredi 14 août, le quotidien américain affirme que des employés de Huawei ont aidé les gouvernements ougandais et zambien à espionner les conversations cryptées de certains de leurs opposants, pour les localiser et contrecarrer leurs plans. « L’entreprise de télécommunication qui domine le marché africain vend des instruments utilisés par les gouvernements pour la surveillance numérique et la censure », avance le journal, qui a interviewé, sous couvert d’anonymat, des responsables de la sécurité des pays concernés.

Selon l’enquête du Wall Street Journal, dans deux cas au moins, les techniciens du géant chinois ont personnellement aidé des gouvernements africains à pirater les réseaux sociaux des opposants.

Piratage des données de Bobi Wine

D’après le journal, en 2018, six agents de renseignement ougandais ont reçu l’ordre d’intercepter les communications chiffrées de la pop star Bobi Wine, devenue une figure politique. L’opposant a mobilisé dans la rue des dizaines de milliers de personnes pour une série de concerts pendant lesquels il a appelé le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis trente-trois ans, à démissionner. Les autorités n’ont pas apprécié ses prises de parole et ont essayé d’infiltrer avec des logiciels espions les applications cryptées WhatsApp et Skype du chanteur. « Après plusieurs échecs, l’unité de cybersurveillance ougandaise a demandé de l’aide au personnel de Huawei », lequel aurait réussi à pirater les données de Bobi Wine en deux jours, poursuit le Wall Street Journal. L’accès à cette correspondance aurait permis aux autorités de connaître la date et le lieu des prochaines manifestations. Celles-ci ont été empêchées, tandis que l’opposant et certains de ses partisans ont été arrêtés.

En Zambie, les autorités ont pu utiliser les technologies de Huawei de façon similaire. En avril, les techniciens de l’entreprise chinoise ont aidé le gouvernement à accéder aux données des téléphones et des pages Facebook de quelques blogueurs de l’opposition, critiques du président Edgar Lungu. « Avec l’aide des experts de Huawei, les agents de renseignement ont pu identifier la localisation des blogueurs et les arrêter », explique l’article. Le Front patriotique, parti au pouvoir en Zambie, a lui-même partagé sur sa page Facebook la nouvelle de l’arrestation des blogueurs, expliquant que la police locale avait travaillé avec des employés de Huawei. Selon la ministre de l’information, les techniciens n’ont fait qu’aider le gouvernement à combattre des sites « auteurs de fake news ».

Ces révélations attirent l’attention sur les systèmes de surveillance vendus par Huawei aux gouvernements ; souvent labellisés « villes sûres », ces systèmes qui utilisent la surveillance vidéo, Internet et mobile concerneraient 700 villes dans plus de 100 pays et régions. Depuis 2012, rappelle le Wall Street Journal, le gouvernement américain accuse régulièrement Huawei d’espionner à l’étranger au profit du gouvernement chinois. L’entreprise rejette ces accusations. Dans sa lettre adressée vendredi au quotidien américain, la société indique que « l’article n’est pas une représentation juste ou responsable des activités légitimes de business de Huawei dans ces pays ».