Les femmes ont pris part à une série de manifestations à Mexico, les 12 et 16 août (photo), pour protester contre le viol présumé de deux adolescentes par des policiers. / MARIANA GREIF / REUTERS

Les Mexicaines ne veulent plus se laisser faire. Dans un pays où neuf femmes sont tuées par jour en moyenne, selon les Nations unies, des milliers de femmes sont sorties dans la rue ces derniers jours pour protester contre l’inaction des autorités après des accusations de viols commis par des policiers sur des mineures à Mexico. Le hashtag #NoMeCuidanMeViolan (« [la police] ne me protège pas, elle me viole ») a été massivement partagé. Face à l’ampleur des mobilisations, la maire de Mexico, Claudia Sheinbaum, qui avait d’abord traité de « provocatrices » les manifestantes – accusées d’actes de vandalisme pendant les protestations –, a fini, dimanche 18 août, par rencontrer les organisations féministes pour tenter d’apaiser la situation.

La première manifestation a eu lieu le 12 août, lorsque des centaines de personnes, dont une écrasante majorité de femmes, ont manifesté dans les principales avenues de Mexico, inscrivant des tags rageurs sur les murs et scandant : « ¡ Hermana, yo sí te creo ! » (« Ma sœur, moi je te crois ! »), en soutien aux deux adolescentes qui ont désigné des policiers comme leurs violeurs. L’une, âgée de 17 ans, a accusé quatre officiers de l’avoir agressée dans une voiture de patrouille à Azcapotzalco, quartier nord de la capitale mexicaine. Six policiers ont été suspendus, mais aucune arrestation n’a été effectuée, le parquet parlant d’incohérences dans le récit de la jeune femme. La seconde, âgée de 16 ans, a dit avoir été violée par un policier le 8 août au Musée de la photographie, situé dans le centre historique de la ville. Un homme a été arrêté dans cette affaire.

Inoffensives paillettes roses

Alors que le chef de la police de Mexico, Jesus Orta, réalisait une conférence de presse en plein milieu d’un cortège de manifestantes, des féministes lui ont lancé des paillettes roses sur la tête, provoquant sa colère : « Ici, il n’y a pas de dialogue possible ! », a-t-il fustigé en quittant la manifestation. Rapidement, les inoffensives paillettes roses sont devenues le symbole de la manifestation féministe et l’image a été détournée sur les réseaux sociaux, ridiculisant la police.

C’est après cet événement que la maire, Claudia Sheinbaum, a parlé d’« actes de provocation », affirmant lors d’une conférence de presse :

« Il va bien sûr y avoir des poursuites judiciaires après ce qui est arrivé. Les manifestantes voulaient que nous répondions de manière violente, mais cela n’arrivera jamais. »

La sphère militante féministe a rapidement réagi. « Les paillettes, ça se balaye ; les murs, ça se repeint ; les choses, ça se répare. Alors que la vie et l’intégrité de nos corps ne se réparent pas… », a tweeté une résidente à Mexico, Eréndira Derbez, aux 21 000 abonnés. Mariana, une autre internaute de la capitale, s’est indignée :

« On nous viole, on nous discrimine, on nous harcèle et on nous violente, et le monsieur n’est pas content parce qu’on lui a jeté des paillettes. Du calme, Jesus Orta, les paillettes ne tachent pas autant que le sang. »

« Ce n’est pas la police qui me protège, ce sont mes amies »

Mme Sheinbaum a alors voulu rectifier le tir, en publiant une vidéo dans laquelle elle affirmait que « l’Etat est engagé dans la lutte contre les violences sexuelles faites aux femmes ». Mais la vidéo n’a pas eu raison de la colère des manifestantes : une deuxième marche a été convoquée vendredi 16 août. Les dégâts, cette fois, ont été plus importants : un incendie – vite maîtrisé – s’est déclaré dans un commissariat de la police ; des vitrines ont été cassées ; un métro, vandalisé. « Ce n’est pas la police qui me protège, ce sont mes amies ! », « autodéfense féministe contre la violence machiste ! », scandaient les manifestantes, tandis que la police se gardait d’intervenir.

« La police ne me protège pas, elle me viole ! » : manifestations à Mexico, le 16 août. / DANIEL BECERRIL / REUTERS

La réaction des autorités a, cette fois, été différente. Claudia Sheinbaum, soutenue par le gouvernement de centre gauche d’Andres Manuel Lopez Obrador, a appelé au dialogue. La maire a reçu une cinquantaine de militantes féministes et a écouté leurs propositions pour lutter contre les violences machistes. Les activistes ont par ailleurs demandé qu’aucune manifestante ne soit poursuivie pour « acte de vandalisme ».

« Il n’y aura pas de poursuites judiciaires concernant le vandalisme ayant eu lieu pendant la marche féministe », a fini par promettre la maire dimanche. A la suite de cette rencontre, le gouvernement mexicain devrait communiquer prochainement de nouvelles mesures pour combattre les violences faites aux femmes. En mai, l’Organisation des Nations unies (ONU) avait décidé de créer un fonds de 14 millions d’euros destiné à la lutte contre les violences sexistes dans le pays, alors que, selon le rapport 2017 d’ONU Femmes, 41 % des Mexicaines ont subi des violences sexuelles au moins une fois au cours de leur vie.