Le premier ministre italien Guiseppe Conte (centre) lors de son allocution au Sénat le 20 août. / ANDREAS SOLARO / AFP

La classe politique italienne va défiler à partir de mercredi 21 août au palais du Quirinal, résidence officielle du président Sergio Mattarella, où diverses formations proposeront la constitution d’un nouveau gouvernement après la fin de la coalition Ligue-Mouvement 5 étoiles (M5S).

Le président du conseil, Giuseppe Conte, a annoncé sa démission, mardi, lors d’un discours au Sénat. Après quatorze mois au pouvoir, « j’interromps ici cette expérience de gouvernement. J’entends conclure ce passage institutionnel de façon cohérente », a-t-il déclaré. En début de soirée, il a quitté le Sénat pour remettre officiellement sa démission au président, Sergio Mattarella, comme l’exige la procédure. Il gérera les affaires courantes d’ici la formation d’un nouveau gouvernement.

A 16 heures, le président, qui dans le système parlementaire italien détient les clefs pour le dénouement de la crise, initiera ses traditionnelles « consultations » par un appel téléphonique à son prédécesseur Giorgio Napolitano, 94 ans (mai 2006 à janvier 2015).

Ensuite, il recevra, sur deux jours, les présidents du Sénat et de la Chambre des députés puis tous les groupes parlementaires, en terminant jeudi par le plus important numériquement, celui du M5S, fort de sa victoire aux législatives de 2018 avec plus de 32 % des voix.

Des élections anticipées, en dernier ressort

Car, peu importe si aujourd’hui le chef de la Ligue (extrême droite), Matteo Salvini, représente aujourd’hui dans les sondages 36 % à 38 % des voix : en 2018, il n’avait recueilli que 17 %.

Qualifié d’« irresponsable » et d’« opportuniste » mardi au Sénat par le président du conseil sortant Giuseppe Conte, M. Salvini a maintenu sa ligne : il réclamera au président « la voie royale » du retour aux urnes car « en démocratie la chose la plus belle c’est voter ».

M. Salvini a plongé l’Italie dans la crise le 8 août en rompant, sans crier gare, un mariage conclu quatorze mois plus tôt avec le M5S, qu’il a accusé de s’opposer systématiquement à ses projets économiques, et en réclamant des élections immédiates.

Le président Mattarella dispose d’une série d’options, y compris en dernier ressort, si aucune majorité n’émerge, celle d’un scrutin anticipé. Mais il est notoirement réticent à cette idée car il serait organisé à l’automne, au moment où la troisième économie de la zone euro, lourdement endettée et à l’arrêt, devra présenter à la Commission européenne son projet de budget pour 2020.

Giuseppe Conte sorti grandi par la crise

Il écoutera les propositions des uns et des autres puis prendra une décision, peut-être pas avant vendredi. D’ici là, le Parti démocrate (PD, centre gauche) a fait savoir, par la bouche de l’ex-président du conseil Matteo Renzi, qu’il comptait approfondir son idée d’une alliance avec le M5S, pour former un gouvernement « institutionnel », qui pourrait être mené de nouveau par M. Conte.

Ce dernier est sorti grandi de la crise. Mardi, le chef du M5S, Luigi Di Maio, l’a qualifié de « serviteur de la Nation dont l’Italie ne peut pas se passer ». D’aucuns l’imaginent aussi commissaire européen, voire président en 2022 pour succéder à M. Mattarella.

« J’espère qu’avec la défaite de Salvini, nous pourrons ouvrir une nouvelle page pour l’Italie », a déclaré M. Renzi, interviewé par l’Agence France-Presse (AFP). « L’accord entre le M5S et le PD peut être une solution », en dépit des fortes inimitiés du passé, car « le plus important c’est la sécurité financière de l’Italie », a-t-il dit.

Mais ce projet ne fait pas consensus au sein du PD, le chef du parti Nicola Zingaretti étant plus réticent que M. Renzi. Il a ainsi rappelé à M. Conte qu’il avait accepté sans ciller, ces derniers mois, le durcissement sécuritaire contre les migrants et les ONG qui les aident, impulsé par Salvini. Le parti réunira son état-major mercredi à partir de 11 heures.

Le « Gouvernement Ursula » de Romano Prodi

Autre hypothèse proposée par l’ancien premier ministre et ex-président de la Commission européenne Romano Prodi, une large coalition gauche-droite à l’allemande, résolument proeuropéenne. Là encore, aucune certitude sur une telle alliance, qui inclurait le parti Forza Italia (centre-droit) de Silvio Berlusconi.

L’ancien président du Parlement européen Antonio Tajani, un proche de M. Berlusconi, l’a jugé « impossible », dans un entretien à l’AFP, lui préférant une union de la droite derrière « une même vision libérale ».

M. Salvini avait proposé une alliance à Silvio Berlusconi et à la formation d’ultra-droite des Frères d’Italie, recueillant plus de 50 % des intentions de vote, et donc une majorité écrasante et inédite. Mais l’opération avait avorté car M. Salvini voulait une liste unique et M. Berlusconi redoutait une disparition de Forza Italia.

Comment Matteo Salvini est devenu l’homme fort de l’Italie
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