Gambie : l’ONU demande l’ouverture d’une enquête après le décès de trois opposants
Gambie : l’ONU demande l’ouverture d’une enquête après le décès de trois opposants
Par Amadou Ndiaye (contributeur Le Monde Afrique, envoyé spécial à Banjul)
Les manifestations organisées pour dénoncer la réforme électorale et l’arrestation d’opposants ont été violemment réprimées.
Manifestation, samedi 16 avril, à Serrekunda, à 7 km de la capitale Banjul pour réclamer une enquête sur la mort de l'opposant Solo Sandeng et l'abandon de la réforme électorale. | AFP
Le décès de trois opposants arrêtés jeudi 14 avril lors d’une manifestation pacifique a été confirmé dimanche par les Nations unies dont le secrétaire général, Ban Ki-moon a réclamé « l’ouverture d’une enquête approfondie et indépendante sur les circonstances qui ont conduit à leur mort alors qu’ils étaient en détention ».
Le patron de l’ONU demande également au pouvoir de relâcher « immédiatement et sans condition » les dizaines de personnes qui ont été arrêtées samedi lors d’une seconde manifestation organisée à Serrekunda, à 7 km de Banjul la capitale, pour que la lumière soit faite sur la mort de Solo Sandeng, l’un des leaders du parti d’opposition Parti démocratique uni (UDP) et l’arrestation d’une quarantaine de personnes. Le décès des deux autres militants n’était alors pas connu. Il s’agirait de deux autres membres du parti, selon l’ONU. Samedi, la mort du journaliste Alagie Ceesay détenu depuis juillet 2015, et dont l’état de santé s’était dégradé au cours des dernières semaines, a par ailleurs été rendue publique.
Secrétaire national à l’organisation de UDP, Ebrima Solo Sandeng avait initié la marche de protestation du jeudi 14 avril contre les nouvelles réformes électorales. Après une journée de détention, il a trouvé la mort vendredi 15 avril. Son corps a été remis à sa famille samedi et il a été enterré le même jour, a indiqué un membre de sa famille au Monde Afrique.
Samedi, la foule des manifestants a de nouveau été réprimée dans la violence. Les opposants ont été dispersés à coup de gaz lacrymogène et de tirs de balles sur l’avenue Kaïraba assombrie par de grosses fumées. Le chef de l’UDP, Oussainou Darboe et plusieurs membres du parti ont été arrêtés. Ils sont toujours détenus dans un lieu secret.
« Yahya Jammeh fait ce qu’il veut, il ne respecte personne et déroule son projet cynique de règne sans partage en introduisant des réformes pour éliminer le maximum de candidat à l’élection présidentielle prévue en décembre 2016. Il est impératif aujourd’hui de mettre sur pied une coalition nationale des 7 partis d’opposition que compte le pays », a réagi Umar Amadou Jallow, le leader du Parti progressiste du peuple (PPP).
Les manifestants protestent contre des réformes introduites récemment pour durcir les conditions de participation à l’élection présidentielle. Parmi les mesures, le versement d’une caution de 500 000 dalasis (environ 11 700 euros) pour tout candidat. Pour former un parti politique, il faudra désormais donner 1 million de dalasis (environ 23 400 euros). Les candidats ne devront pas être âgés de plus de 65 ans et chaque parti devra recueillir au moins 10 000 signatures de soutiens citoyens et avoir un représentant dans toutes les circonscriptions électorales du pays. Le renouvellement des cartes électorales est également soumis au versement d’une somme de 100 dalasis (environ 3 euros).
Ces événements sont intervenus alors que le président Yahya Jammeh se trouvait en voyage officiel en Turquie. Il a regagné la Gambie dimanche soir. Parvenu au pouvoir après un coup d’Etat en 1994 puis élu en 1996 et réélu depuis tous les cinq ans, il a de nouveau été investi en février pour représenter son parti, l’Alliance pour la réorientation et la construction patriotique (APRC) lors des élections de décembre prochain.
La Gambie, un territoire d’environ 11 000 km2, entouré par le Sénégal, s’est bunkerisée depuis jeudi soir. Les forces armées sont déployées sur tous les grands axes. La connexion à internet est presque inexistante et le réseau téléphonique brouillé dans plusieurs parties du pays. Le régime de Yayah Jammeh est régulièrement dénoncé par les organisations des droits de l’homme pour ses atteintes à la liberté d’expression et la repression violente de l’opposition.
Ce nouvel épisode de tensions se déroule alors que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples tient sa 58e session jusqu’ au 20 avril à Banjul.