Réfugiés mozambicains au Malawi, en janvier 2015. | ELDSON CHAGARA/AFP

Après le scandale sur la dette cachée, le gouvernement mozambicain n’en finit plus d’essuyer des critiques à l’international. « Nous avons reçu des informations inquiétantes sur des confrontations armées en cours au Mozambique entre les forces nationales de sécurité et les membres de la Renamo », le principal parti d’opposition, a déclaré, vendredi 29 avril, le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Rupert Colville, à Genève. La veille, les médias locaux rapportaient la découverte d’un potentiel charnier comptant une centaine de cadavres dans le centre du pays.

Aux prises avec la branche armée de la Renamo, l’ancienne rébellion de la guerre civile (1976-1992) qui conteste le résultat des élections d’octobre 2014, les forces gouvernementales sont entre autres accusées « d’exécutions sommaires, de viols, de destruction de maisons et de mauvais traitements », d’après le porte-parole. Ces derniers mois, les affrontements se sont intensifiés alors que le chef de l’opposition, Afonso Dhlakama, avait annoncé qu’il prendrait le pouvoir dans le centre et le nord du pays en mars ou en avril. Une menace qu’il n’a toujours pas mise à exécution, mais, depuis décembre 2015, plus de 10 000 personnes se sont réfugiées au Malawi voisin. Elles disent fuir les persécutions des troupes du gouvernement, qui entend désormais désarmer la Renamo par la force.

« Situation alarmante »

« Des attaques contre la police et les forces armées ont également été attribuées à la Renamo », a précisé M. Colville. Les rebelles attaquent les véhicules circulant sur les principaux axes du centre du pays en ciblant des camions ou des autocars suspectés de transporter des troupes ou de l’armement. Dans cette région, les deux camps s’accusent mutuellement de poursuivre et d’exécuter leurs représentants locaux. « La détérioration de la situation pourrait être en partie liée au fait que les responsables de violations passées n’ont pas encore été mis en cause », a-t-il ajouté.

De fait, la véritable étendue du conflit est difficilement évaluable par manque de données fiables. Les deux camps se montrent avares en informations et divergent systématiquement sur le nombre de morts lors des affrontements. C’est dans ce contexte qu’est arrivée, jeudi, dans les médias locaux, la nouvelle d’un charnier, découvert par des fermiers à Gorongosa (centre). Cette zone montagneuse, difficile d’accès, est l’épicentre des tensions, et l’endroit où Afonso Dhlakama s’est réfugié en octobre 2015 après deux tentatives d’assassinat.

Le chef du parti d'opposition Renamo, Afonso Dhlakama, en octobre 2014, à Maputo. | GIANLUIGI GUERCIA/AFP

« La situation ici est alarmante. Beaucoup de personnes sont séquestrées puis tuées parce qu’elles sont soupçonnées d’aider la Renamo », raconte un délégué du parti d’opposition, contacté sur place par Le Monde Afrique. Il explique sous couvert d’anonymat que le charnier est connu de la population depuis plusieurs semaines. D’après lui, 120 cadavres seraient enterrés dans une fosse originellement creusée lors de la réfection de la route Nord-Sud passant à proximité. « Le décompte a été fait à partir des têtes visibles, mais certains corps sont dans un état de décomposition avancée », indique t-il, précisant qu’il s’agit de cadavres de villageois et non de militaires.

Zone bouclée

« Rien que depuis le 22 avril, 25 personnes ont disparu, poursuit le délégué du parti d’opposition. Des individus en civil se présentent au marché et font comme s’ils achetaient des produits alors qu’en réalité ils cherchent à identifier des membres de la Renamo pour plus tard les séquestrer. » Selon lui, la vague d’exécutions a débuté en février, et les corps étaient d’abord éparpillés çà et là dans la forêt, parfois même sur la route.

Ce week-end, des journalistes locaux ont tenté de se rendre sur le lieu indiqué. La zone était inaccessible, bouclée par les militaires, a rapporté l’agence portugaise Lusa. En revanche, une quinzaine de cadavres étaient visibles dans les alentours et leurs images circulent depuis sur les réseaux sociaux.

« Nous avons constitué un groupe pour quadriller la zone où la supposée fosse commune se situerait. A ce stade, rien n’a été constaté », a avancé, vendredi, lors d’une conférence de presse, Inacio Dina, le porte-parole de la police à Maputo. Les autorités semblent bien parties pour démentir l’existence du charnier. Et d’après ce qu’il se murmure à Maputo, ce serait loin d’être la première fois.