Pétrole : le printemps rêvé des producteurs
Pétrole : le printemps rêvé des producteurs
LE MONDE ECONOMIE
Le prix du pétrole est remonté de 30 a 45 dollars depuis le début de l’année. Mais les stocks sont toujours élevés.
Pour voir l’avenir, les chamans interprétaient les vestiges d’un feu, la forme d’un os ou la nature de leurs rêves. Les traders font de même avec le flux incessant d’informations qui se bouscule sur leur écran d’ordinateur. En ce moment, ils ont envie de croire à une remontée des cours du pétrole. La possibilité d’un gel de la production, l’anticipation d’une amélioration de la conjoncture chinoise, quelques jours de hausse des cours gonflent leur optimisme. La remontée des prix du pétrole est au coin de la rue.
La Russie a joué le rôle de catalyseur. En s’accordant sur un gel de la production avec l’Arabie Saoudite en février dernier, puis en participant à la réunion de l’OPEP qui se tiendra dimanche 17 avril à Doha au Qatar, le pays a contribué au changement de discours du royaume saoudien. Résultat, le prix du baril de pétrole qui avait atteint son plus bas niveau depuis 12 ans en janvier dernier à moins de 30 dollars, est remonté franchement au voisinage des 45 cette semaine.
Menace permanente de surcapacitésMais les oracles sont méfiants. Même les plus étourdis se souviennent de ces grandes banques et économistes qui annonçaient un pétrole à 200 dollars au temps de la hausse puis à 20 dollars à l’époque de la chute. Ils constatent que la conjoncture mondiale n’est pas flamboyante, comme l’a constaté cette semaine le FMI, et notent que les stocks sont toujours très élevés.
Deux tensions se font face dont on ne sait encore trop bien si elles s’annuleront l’une l’autre. La première est celle de la situation économique des pays producteurs. Le Venezuela, la Russie, le Brésil, l’Irak, l’Algérie ou le Nigeria sont en grande difficulté. Ils ont un besoin impératif de restaurer leurs comptes en faisant rentrer des devises, et seront les premiers à mettre des quantités supplémentaires sur le marché dès que la possibilité leur sera offerte. Les Etats-Unis, dont seul le marché régule l’offre, ont démontré leur flexibilité en matière de production. Sitôt les cours remontés au-delà de 50 dollars, la myriade de petits producteurs se remettra en marche pour sortir l’huile ou le gaz des terres du Texas ou du Dakota. sans oublier enfin l’Iran qui ne veut pas entendre parler de réduction de sa production au moment même où il retourne sur le marché.
Face à cette menace permanente de surcapacités, il existe néanmoins une force contraire, celle des investissements. Dès 2015, la chute des cours a paralysé tous les grands projets à travers le monde. Il en sera ainsi en 2016 pour restaurer les comptes des compagnies productrices. Viendra forcément un moment où ces dollars non engagés dans l’exploration et la production manqueront face à la demande… et feront remonter les cours, à l’horizon de 2020. Face à ces deux tensions antagonistes qui tireront les prix dans les mois et années qui viennent, les augures balancent. Ils se raccrochent désormais à une seule croyance qui elle aussi ne durera qu’un temps : pour les producteurs, le pire est désormais derrière eux.