Pourquoi remplacer les profs est un casse-tête
Pourquoi remplacer les profs est un casse-tête
Par Adrien Sénécat
La FPCE organise, jeudi 21 avril, une journée contre les non-remplacements d’enseignants. Un problème que les créations de postes depuis 2012 n’ont pas permis de régler.
La FPCE organise jeudi 21 avril une journée contre les non-remplacements d’enseignants. Un problème que les créations de postes depuis 2012 n’ont pas permis de régler. | MYCHELE DANIAU / AFP
« Trop de cours perdus depuis la rentrée, stop ! » La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) organise, jeudi 21 avril, une deuxième journée d’action contre les non-remplacements d’enseignants en France. L’association dénombre sur son site Ouyapacours plus de « 20 000 jours d’absences non remplacées » depuis la rentrée 2015. Un problème de longue date, difficile à résoudre.
Combien y a-t-il d’absences non remplacées ?
Le décompte de la FCPE n’est pas exhaustif, puisqu’il est basé sur les signalements de parents. Selon le ministère de l’éducation nationale, 2,9 % des heures de cours n’ont pas été assurées dans les collèges et lycées sur l’année scolaire 2014-2015. La rue de Grenelle ne communique en revanche pas de chiffres sur le premier degré (maternelle et primaire).
On trouve néanmoins un peu plus d’informations dans les prévisions budgétaires de l’éducation nationale pour 2015. A commencer par le taux d’absence en primaire et en maternelle, nettement plus élevé que dans le secondaire (collège et lycée) :
Des chiffres plus flatteurs que la réalité, estime la Cour des comptes dans son rapport « Gérer les enseignants autrement » publié en 2013. L’institution note que « les absences de moins de quinze jours ne sont pas prises en compte dans le second degré, où elles représentent les neuf dixièmes du nombre d’absences, et près d’un tiers des journées d’absence ». Alors que moins d’une de ces vacances sur cinq (18,3 %) est remplacée. Toujours dans le second degré public, « l’indicateur exclut de son périmètre plus de la moitié des absences constatées (56,6 %) ».
D’une manière générale, « les absences ne sont pas systématiquement enregistrées, même pour celles entrant dans le périmètre de l’indicateur », déplore la Cour des comptes.
Comment les enseignants sont-ils remplacés ?
Dans le premier degré, des postes spécifiques d’enseignants titulaires existent pour pallier les absences :
– Les remplacements de moins de quinze jours sont assurés par des enseignants titulaires qui travaillent sur une zone d’intervention localisée (ZIL). Leur rayon d’action ne doit pas excéder vingt kilomètres, et ils sont appelés en fonction des besoins.
– Les remplacements de plus de quinze jours sont pris en charge par un autre type de professeurs, les brigades départementales (BD), mobilisés sur l’ensemble du département. Ces derniers dont des remplacements de « plus ou moins longue durée », selon les besoins au fil de l’année.
En principe, le premier degré ne fait pas appel à des contractuels pour les remplacements, sauf en Polynésie ou à Mayotte.
Un professeur de primaire non-remplacé pose un problème particulier, puisqu’il a en principe sa classe en charge tout au long de la journée. Les élèves sont alors le plus souvent répartis dans les classes de leurs collègues pour la journée.
Dans le second degré, titulaires et contractuels sont mobilisés :
– Pour les absences de courte durée (moins de quinze jours), d’autres enseignants de l’établissement peuvent faire rattraper les cours aux élèves, en échange d’une rémunération en heures supplémentaires.
– Pour les absences de longue durée (plus de quinze jours), il existe un corps d’enseignants : les titulaires sur zone de remplacement (TZR). Mais le ministère emploie aussi, de plus en plus, des contractuels en CDI ou en CDD à cause de la baisse des effectifs de TZR de 2007 à 2012.
Quand les enseignants du secondaire ne sont pas remplacés, les élèves peuvent être libérés, ou redirigés en heure d’étude, ou bien encore, d’autres enseignants peuvent en profiter pour rattraper des cours.
D’où vient le problème ?
Le volume d’absences est très variable selon les périodes de l’année, ce qui lui complique la tâche. Un audit privé réalisé en 2008, cité par la Cour des comptes, fait apparaître ces forts pics d’absences ponctuels où les besoins dépassent le nombre de remplaçants disponibles. Le plus important intervient en plein hiver, de fin janvier à début février, où, froid aidant, la courbe des absences dépasse largement la barre des troupes disponibles :
Etudes sur les potentiels de remplacement des enseignants. | Cabinet Roland Berger / Cour des Comptes
Le ministère de l’éducation nationale calcule aussi le « taux d’optimisation du potentiel de professeurs remplaçants », c’est-à-dire la proportion de remplacements effectués par rapport aux journées « dues » par les effectifs. Où l’on apprend qu’environ quatre cinquièmes des ressources sont utilisées :
Attention : ces données ne tiennent pas compte de la situation académie par académie, qui cache de fortes disparités, notamment parce que certaines ont plus souffert que d’autres des suppressions de postes sous Nicolas Sarkozy et/ou qu’elles peinent à recruter depuis. Dans certaines académies la situation est particulièrement difficile parce qu’elles ne disposent pas des ressources nécessaires. C’est le cas de la Seine-Saint-Denis, avec entre 250 (selon l’inspection académique) et 400 classes (selon le syndicat SNUipp-FSU) sans professeur chaque jour.
Quelles pistes pour améliorer les choses ?
Les syndicats d’enseignants demandent plus de recrutements pour pallier les absences. Le ministère de l’éducation, lui, fait valoir que 2 172 postes de remplaçants ont été créés dans le premier degré de 2013 à 2015, après 1 566 suppressions de 2008 à 2012 par la droite.
Un groupe de travail a également été mis en place pour améliorer la gestion des effectifs. Parmi les mesures déjà retenues, on trouve l’assouplissement, en cas de besoin, du système des circonscriptions au sein des académies – ce qui se pratique déjà, mais pas partout. Le ministère dit également travailler à la production d’indicateurs pour mieux suivre le problème, circonscription par circonscription.
Face aux problèmes des pics d’absences, la Cour des comptes pointait en 2013 les « difficultés liées au cadre hebdomadaire » : « Les enseignants affectés au remplacement ont le même service hebdomadaire que les autres enseignants. Ils ne sont donc pas assez nombreux lors des pics d’absence pour assurer tous les remplacements, mais peuvent à l’inverse être inoccupés, au moins en partie, à d’autres périodes de l’année. »
Elle évoquait aussi des pistes d’organisations tirées du modèle allemand, où le temps de service est annualisé. En plus de l’embauche de contractuels, les directeurs d’établissement peuvent y faire appel aux trois heures mensuelles prévues dans le service de l’enseignant pour assurer des remplacements. Ils peuvent également réserver une partie des heures de cours de quelques enseignants pour faire du remplacement.
Les profs sont-ils plus souvent absents que les autres salariés ?
Un enseignant était en moyenne absent 16,6 jours par an pour raisons de santé (ce qui exclut les décharges syndicales ou les formations) dans le primaire, et 14,6 jours par an dans le secondaire, selon les chiffres du ministère pour l’année scolaire 2013-2014.
Les congés maternités représentent environ un tiers des absences dans les deux cas, ce qui est dû à la féminisation du personnel, encore plus marquée dans le primaire (où 82,6 % des effectifs sont des femmes).
La Dares, qui dépend du ministère du travail, a publié en 2013 une étude qui donne des éléments de comparaisons entre le monde éducatif et les autres secteurs d’activité. Sur la période 2003-2011, 3,6 % des salariés étaient absents pendant un ou plusieurs jours en moyenne par semaine pour cause de maladie, d’accident ou de garde d’un enfant malade. Un chiffre qui tombe à 3,2 % dans l’enseignement, contre 3,9 % sur l’ensemble des titulaires de la fonction publique.
Signe que si les remplacements posent des difficultés, les enseignants ne sont pas de grands absentéistes pour autant.