Séismes au Japon et en Equateur : des événements indépendants, dans une zone très active
Séismes au Japon et en Equateur : des événements indépendants, dans une zone très active
Par Pierre Le Hir
Les secousses qui ont ébranlé Kyushu et le pays d’Amérique du Sud ne sont pas reliées physiquement, même si elles sont dues à la sismicité de la région.
Pedernales, Equateur dimanche 17 avril | Dolores Ochoa / AP
Japon, Equateur, Tonga... Il est naturel de se demander si les multiples séismes survenus ces derniers jours sont reliés entre eux, comme dans une réaction en chaîne. Ce n’est, d’un point de vue physique, ou mécanique, pas le cas. Certes, tous se sont produits dans une zone du Pacifique extrêmement active sur le plan de la sismicité et du volcanisme. « Environ 80 % des volcans émergés de la planète sont localisés dans les zones de subduction tout autour de l’océan Pacifique », rappelle Patrick Allard, géophysicien à l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP). Ce qu’on appelle « la ceinture de feu du Pacifique ». Tous aussi mettent en jeu la plaque tectonique pacifique, au sens large. Pour autant, les secousses qui ont ébranlé le Japon n’ont pas entraîné celle qui a mis à mal l’Equateur, à quelque 15 000 kilomètres de distance. Explications.
Dans un premier temps, samedi 14 avril, à 21 h 26 (heure locale), l’île japonaise de Kyushu, dans le sud-ouest de l’archipel, a été frappée par un tremblement de terre de magnitude 6,2, selon l’US Geological Survey (USGS), l’agence américaine chargée de la surveillance de l’activité sismisque. Il a été suivi de plus de quatre cents répliques, dont l’une, samedi 16, à 1 h 25, a atteint une magnitude de 7, selon l’USGS. Ce qui lui donnait un potentiel très destructeur, sachant qu’un point de magnitude correspond à une libération d’énergie trente fois supérieure. De ce fait, les spécialistes ont transformé la secousse initiale en « précurseur » de la réplique qui l’a dépassée en importance.
Tous ces événements mettent en jeu une faille géologique qui traverse l’île de Kyushu. Elle est distincte de la faille principale associée aux deux grandes plaques tectoniques pacifique et eurasienne, et dont la cassure avait provoqué, le 11 mars 2011, au large des côtes de l’île de Honshu, la plus grande du Japon, le séisme de magnitude 9 et le tsunami, qui furent suivis de la catastrophe nucléaire de Fukushima. Il s’agit, explique Pascal Bernard, sismologue à l’IPGP, d’une « faille secondaire qui court le long du Japon». C’est elle qui avait déjà cassé en janvier 1995 à Kobe, faisant plus de six mille morts.
Dans cette zone, la plaque tectonique philippine, un morceau de lithosphère coincé entre les plaques pacifique et eurasienne, s’enfonce, par subduction, sous une autre petite plaque, celle de l’Amour, rattachée à la plaque eurasienne. C’est cet affrontement qui est à l’origine des ruptures enregistrées ces derniers jours. Les très importants dégâts matériels subis, dans un pays aussi bien préparé aux séismes que le Japon, s’expliquent par le fait que la faille qui a cassé est superficielle, c’est-à-dire qu’elle traverse la partie supérieure de la croûte terrestre. « On peut fortement limiter les dégâts avec des constructions parasismiques. Mais quand vous avez un séisme de magnitude 7 sous vos pieds, les bâtiments anciens, ou ceux qui sont moins bien consolidés, ont beaucoup de mal à résister », commente Patrick Allard.
L’Equateur, lui, a été victime, samedi 16 avril, à 18 h 58, d’un violent séisme, de magnitude 7,8, selon l’USGS. Il s’agit cette fois, explique Pascal Bernard, de la subduction de la plaque de Nazca sous la plaque sud-américaine. « Dans cette zone, décrit le chercheur, les deux masses tectoniques se rapprochent à la vitesse de cinq centimètres par an, leur affrontement créant des contraintes et des déformations qui se libèrent par des séismes fréquents ».
Le dernier très grand tremblement de terre enregistré dans cette région est celui de 1906, de magnitude 8,8, qui avait déclenché un tusnami et causé plus d’un millier de morts. Mais beaucoup d’autres, de moindre ampleur, se sont produits au cours du siècle passé. « Depuis 1906, les deux plaques se sont rapprochées d’environ cinq mètres, et l’on savait que cette zone allait casser », précise le sismologue.
Mais les secousses ressenties au Japon, dans l’ouest du Pacifique, n’ont pas de lien direct avec celle qui frappé l’Equateur, dans l’Est. Il ne faut pas imaginer que l’onde de choc provoquée par les premières ait pu parcourir toute la plaque pacifique pour déstabiliser sa partie orientale. « Tout au plus s’agit-il d’une pichenette finale, comme un caillou qui serait lancé sur une falaise qui était sur le point de s’écrouler », dit par comparaison Pascal Bernard.
Quant au séisme de magnitude 6,1 qui a touché dimanche 17 avril les îles Tonga, dans le Pacifique sud, il est, lui aussi, physiquement indépendant des autres. Mais cet archipel se trouve également dans la ceinture de feu du Pacifique et il est soumis à une sismicité et à un volcanisme permanent.
La terre n’a probablement pas fini d’être agitée de convulsions dans cette grande région. « Il faut s’attendre à de nouvelles répliques, dans les semaines, voire les mois à venir, annonce Pascal Bernard. La question est de savoir si elles peuvent être encore plus importantes. Les derniers jours ont montré, au Japon, qu’une réplique peut être supérieure à son précurseur. Y aura-t-il, dans ce pays, une secousse encore plus importante? La probabilité est faible, mais elle existe. »