Si le débat sur la dépénalisation du cannabis était une conversation SMS…
Si le débat sur la dépénalisation du cannabis était une conversation SMS...
Par Pierre Breteau
Relancé par les déclarations du ministre Jean-Marie Le Guen, médecin de formation, le vieux débat sur la légalisation de cette substance reprend de plus belle.
Une plantation de cannabis dans le nord de l'Israël, où la prescription de la marijuana est légale dans le cas d'un usage médical. | JACK GUEZ / AFP
« Je dis que la situation actuellement en marche pas, […] je pense qu’il faut peut-être aller vers des mécanismes de légalisation contrôlée mais surtout avec des politiques d’éducation et de santé publique », plaidait lundi 11 avril Jean-Marie Le Guen sur BFMTV. L’ancien médecin et ministre des relations avec le Parlement « ne veut pas arriver avec une solution toute faite », il revendique « une approche sanitaire » et reconnaît que « la prohibition n’amène pas la diminution de la consommation [de cannabis] ».
Le débat n’est pas nouveau, il est presque aussi ancien que la loi du 31 décembre 1970 « relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie ». En Europe, les Pays-Bas ont largement dépénalisé et encadré la vente et la consommation du cannabis en 1976, d’autres pays comme l’Espagne, la Belgique, tolèrent la consommation et la détention voire la production.
Pour y voir clair, voici les arguments des opposants et de ceux qui sont favorables à une dépénalisation, les résultats des études, l’évolution du droit, les chiffres de la justice et des opérations de police.
Jean-Marie Le Guen
(ministre des relations avec le Parlement)
Il faut peut-être voir si une solution de "légalisation contrôlée" ne serait pas plus efficace pour réduire le trafic et la consommation. »
L’opinion
Les Décodeurs
Officiellement oui :
- pour la consommation, la loi est claire : « L'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende » ;
- pour la détention, les peines peuvent aller jusqu'à 7,5 millions d'euros, et dix ans d'emprisonnement ;
- la production ou la fabrication de stupéfiants, les peines encourues sont de 20 ans (30 ans en cas de commission en bande organisée) de prison ferme.
Stéphane Le Foll
(porte-parole du gouvernement)
Najat Vallaud-Belkacem
(ministre de l'éducation nationale)
L’opinion
Les Décodeurs
- mai 1978 : la « circulaire Peyrefitte » préconise d'opérer une distinction entre le cannabis et les autres drogues,
- mai 1987 : la « circulaire Chalandon » introduit une différence entre usagers occasionnels et « d'habitude »,
- juin 1999 : la « circulaire Guigou » recommande des mesures alternatives plutôt que des poursuites pour « simple usage »,
- avril 2005 : la « circulaire Perben » prône une réponse pénale systématique mais adaptée. En cas de possession simple, c'est un rappel à la loi,
- février 2012 : une nouvelle circulaire dans le même esprit recommande des stages pour les usagers non dépendants, et des injonctions thérapeuthiques pour les autres,
- octobre 2015 : le décret d'application de la « transaction pénale » autorise les officiers de police judiciaire à proposer une amende :euro: pour les petits délits, payée immédiatement.
L’opinion
Les parlementaires favorables à la dépénalisation
Xavier Bertrand
(ministre de la santé de 2010 à 2012)
Les ministres de la justice successifs
Source : rapport du sénateur Jean Desessard
Observatoire national de la délinquance (ONDRP)
Patrick Mennucci
(député des Bouches-du-Rhône)
L'Etat doit légaliser le cannabis, créer une filière et un monopole d'Etat et en assurer la distribution. Il s'agit de la seule solution pour priver ces réseaux de cette attractivité et de ces moyens financiers considérables. » (3 avril 2016)
L’opinion
Manuel Valls
(premier ministre)
Les Décodeurs
- 40,9 % des Français en ont déjà consommé du cannabis,
- 35,6 % des Danois,
- 30,4 % des Espagnols,
- 25,7 % des Néerlandais.
:chart_with_upwards_trend: En France en 2013, 3,8 millions de personnes ont déclaré avoir consommé du cannabis dans l'année selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).
L’opinion
Drogues info service
- baisse de la vigilance et ralentissement des réflexes,
- limitation des capacités et de l’intérêt à apprendre ou à réaliser des tâches qui demandent de la concentration ; apparition de troubles passagers comme l’anxiété, les crises de panique ou de paranoïa, un état dépressif qui peuvent nécessiter une hospitalisation,
- déclenchement de troubles mentaux durables chez des personnes fragiles, voire aggravation des troubles mentaux chez les personnes souffrant de ces pathologies.
Les Décodeurs
L’opinion
Madeline H. Meier, psychologue américaine
Au bout de vingt-cinq ans, nous avons mesuré un écart de huit points entre les fumeurs et les non-fumeurs, affirme Madeline H. Meier, psychologue à l'université Duke (Etats-Unis) et autrice principale de cette étude menée en collaboration avec le King's College (Londres) et publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America.
INPES (Institut de prévention et d'éducation à la santé)
L’opinion
Think tank Terra Nova
Une légalisation ou une dépénalisation rapporterait près de 2 milliards d'euros à l'Etat, selon les scénarios. :euro:
Jean-François Copé
(député-maire de Meaux)
L’opinion
Les Pays-Bas :nl:
- nous consommons moins de cannabis par habitant que beaucoup de pays européens,
- le pourcentage des 15-24 ans qui en consomment est passé de 14,3 % à 11,4 % entre 1997 et 2005,
- en séparant les marchés, les liens entre consommateurs de cannabis et consommateurs de drogues dures sont plus ténus.
Le Colorado :flag_us: :snow_capped_mountain:
La première année, selon le fisc du Colorado, nous avons touché 55,9 millions d'euros (63 millions de dollars) d'impôts et de taxes supplémentaires. En 2015, ce chiffre a presque doublé pour atteindre 90 millions (101,3 millions de dollars). :dollar:
C'est le résultat de notre politique fiscale semblable à celle sur l'alcool, nous imposons la marijuana à 25 % et elle nous rapporte d'ores et déjà plus que les taxes sur l'alcool.
The Economist
Dans le cas d'une légalisation concrète, trouver le bon niveau d'imposition sera un défi. S'il est trop bas, vous encouragez l'usage. S'il est trop haut, vous perdez un des bénéfices de la légalisation : faire disparaître les marchés noirs.
Le modèle que nous avons choisi chez The Economist ? les Etats-Unis :flag_us: après la Prohibition :wine_glass: dans les années 1920. Les taxes sur l’alcool ont d'abord été très basses, pour faire fuir les contrebandiers, avant d'être rehaussées.
Crédits : Emojis CC-BY 4.0 Emoji One, pictorgrammes CC-BY The Noun Project Tran, Austin Condiff, Syafiqa Fickle, Chameleon Design, Edward Boatman, Pierre-Luc Auclair, Christian Zoucas, Richard Schumann, Iain Hector, Ilsur Aptukov, Yu Luck, Arthur Shlain