Très chère diplomatie
Très chère diplomatie
Par Joël Morio
Le Quai d’Orsay entretient une certaine opacité quant au coût de la représentation française à l’étranger (mercredi 20 avril, à 23 h 25, sur France 3).
Le Quai d’Orsay entretient une certaine opacité quant au coût de la représentation française à l’étranger (mercredi 20 avril, à 23 h 25, sur France 3).
Une ambassadrice chargée de la piraterie maritime dans le monde ? Pourquoi pas… Encore faudrait-il qu’elle soit capable de donner ne serait-ce qu’un chiffre sur l’ampleur de ce phénomène. Lorsqu’une journaliste du magazine « Pièces à conviction » lui demande le nombre d’actes de ce genre dans le golfe de Guinée, à la veille d’une réunion en Côte d’Ivoire sur le sujet, elle est incapable de répondre ! Quand on la retrouve un peu plus tard, cette même ambassadrice semble plus préoccupée par l’horaire trop matinal d’un avion qu’elle devra prendre pour un prochain rendez-vous que du sujet qu’elle est censée traiter… Elle ne sera pas toujours en mesure de communiquer un chiffre quand la journaliste lui pose une question sur la criminalité en mer.
Troisième réseau au monde
L’équipe de « Pièces à conviction » s’est penchée sur les coûts de fonctionnement de notre représentation à l’étranger. Un travail difficile quand on apprend que même le rapporteur du budget du Quai d’Orsay à l’Assemblée nationale ne parvient pas à obtenir le détail de certains frais.
En France, il y a 25 ambassadeurs thématiques chargés de suivre des dossiers aussi variés que les pôles, le développement de la cohésion sociale ou encore la mobilité externe des cadres supérieurs… Leurs missions sont floues pour un montant également opaque. Car la diplomatie française mène grand train, même si, officiellement, l’heure est aux économies.
La France dispose du troisième réseau d’ambassades à travers le monde, derrière celui des Etats-Unis et de la Chine. Dans la République populaire, une nouvelle ambassade vient d’être érigée en plein Pékin. Le Quai d’Orsay a accepté d’entrouvrir les portes de ce bâtiment flambant neuf qui est présenté comme un modèle. Ici, on fait attention à l’argent du contribuable. L’ambassadeur veille à ce que chaque centime soit bien dépensé, et que les entreprises françaises puissent s’appuyer sur ses services. L’activité des visas (un million par an) est un centre de profit.
L'ambassade de France au Sénégal. | FRANCE 3
Cependant, dans le reste du réseau des 161 ambassades, les deniers publics ne sont pas toujours utilisés de la même façon. L’enquête menée par les journalistes de « Pièces à conviction » montre d’abord que le Quai d’Orsay vit dans une certaine opacité. Il est vrai qu’il faut faire preuve de discrétion pour défendre les intérêts de la France à travers le monde. Pourtant, l’opacité est souvent un prétexte pour que perdurent des situations difficilement compréhensibles alors que l’Etat doit se serrer la ceinture. Ainsi, dans le documentaire, un représentant du ministère juge normal de ne pas détailler les indemnités de résidence aux diplomates expatriés (qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois) pour des raisons « stratégiques ». D’une manière générale, les primes et les salaires exceptionnels versés aux diplomates ne se font pas dans la plus grande transparence.
Fermeture de certains consulats, rééquilibrage de la présence française ou encore suppression de certains services proposés aux Français expatriés, des solutions existeraient pour diminuer les dépenses et les rendre plus efficaces. Pourtant, leur mise en place tarde.
La diffusion de cette enquête sera suivie d’un débat animé par Patricia Loison,qui recevra Jean-Christophe Rufin, ancien ambassadeur au Sénégal de 2007 à 2010, et Alexandra Jousset, journaliste, auteure de ce documentaire.
Nos très chères ambassades, d’Alexandra Jousset (France, 2016, 70 min). Mercredi 20 avril, à 23 h 25, sur France 3.