Une heure avec les « hologrammes » de HoloLens
Une heure avec les « hologrammes » de HoloLens
Par William Audureau
Coiffés du casque de réalité augmentée de Microsoft, nous avons apprivoisé un écureuil de dessin animé, visité Rome et enquêté sur une mystérieuse scène de crime.
Le jeu "Fragments" permet à l'utilisateur de HoloLens de mener l'enquête sur une disparition. | Asobo/Microsoft
« Pardon madame. » La phrase est sortie par réflexe, au moment de se faire une place sur le canapé. Problème : la personne à notre droite n’existe pas ; il s’agit de ce qui s’apparente à un hologramme. Le jeu d’enquête Fragments, dont il fait partie, ainsi que le jeu d’action Young Conker et l’application de tourisme virtuel HoloTour, sont trois des applications de démonstration disponibles sur HoloLens. Les kits de développement grand public de ce casque de réalité augmentée de Microsoft sont en circulation depuis le 1er avril.
Quinze jours après une première rencontre avec les développeurs de ces trois applications, du studio bordelais Asobo, ceux-ci nous ont conviés à un essai d’une heure dans leurs locaux.
Première originalité : HoloLens ne fonctionne pas comme les casques de réalité virtuelle. Il ne coupe pas l’utilisateur de sa réalité pour l’immerger dans un monde fictif, mais surimprime des éléments fictifs, en trois dimensions, dans son environnement réel. Comme si des lunettes de vue animaient le monde en y ajoutant des ingrédients féeriques…
Le casque, volumineux sans être excessivement lourd ou inconfortable, se pose autour de la tête, son écran translucide presque à même les yeux. Deux boutons de chaque côté du cerceau permettent de régler le volume sonore et le niveau d’occlusion visuelle : plus celle-ci est élevée, plus l’affichage holographique masquera le monde autour de vous.
HoloLens révèle rapidement sa principale faiblesse, déjà perçue lors de sa présentation en juin 2015 : le champ d’affichage est extrêmement limité, à peine un tiers de lunettes. Durant une heure, l’utilisateur est moins plongé dans un monde virtuel qu’équipé d’un petit module rectangulaire avec lequel il traque littéralement les apparitions « holographiques » (à proprement parler, il ne s’agit pas d’hologrammes qui se tiendraient dans la pièce, mais plus d’éléments 3D colorés et translucides, affichés à même les lunettes).
« Young Conker » : un écureuil sur son tapis
"Young Conker" fait reprendre du service à l'écureuil Conker, un personnage célèbre de jeux vidéo à la fin des années 1990. | Asobo/Microsoft
Mais quelle surprise quand, d’un regard jeté en biais vers son pied, on aperçoit un écureuil de dessin animé qui semble attendre qu’on s’intéresse à lui. Héros de jeu vidéo de la fin des années 1990, Conker, le rongeur insolent, est l’acteur principal de la première des trois applications développées par Asobo, la plus enfantine et la plus ludique. Du regard, l’utilisateur doit guider l’écureuil et lui faire récupérer pièces d’or et classeurs à travers la pièce. Un principe minimaliste, mais qui prend tout son sens dans un environnement familier.
On se surprend à chercher l’écureuil dans la pièce, à l’appeler, à se pencher derrière les meubles pour le retrouver, mais aussi à parcourir le tapis tête baissée pour l’amener au bon endroit. Parfois, celui-ci se bloque contre un mur invisible, tel un robot-aspirateur animalier, poilu, mignon, holographique et inutile – par exemple entre les quatre pieds d’une chaise insuffisamment analysée. Mais une étrange relation de complicité se noue entre le porteur du casque et le petit animal, et donne envie de rester plus longtemps avec lui pour découvrir toutes ses facéties.
« HoloTour » : séance diapo à 360 degrés
La seconde application, HoloTour, envoie le porteur du casque vister deux destinations touristiques, Rome, et la forteresse inca d’Ollantaytambo, au Pérou. Grâce de la mise en scène, on lui doit l’un des « effets wahou » les plus efficaces de la technologie de Microsoft. Il commence en effet par présenter un tableau d’une célèbre place romaine, avant de laisser celle-ci apparaître et prendre vie en arrière-plan, comme par une opération de téléportation magique.
La forteresse inca d’Ollantaytambo, au Pérou, est l'une des deux destinations que l'utilisateur peut visiter grâce à l'application HoloTour. | Asobo/Microsoft
Beaucoup plus sommaire, cette expérience s’apparente malgré tout à de la simple consultation photographique en 360° : le décor se déploie là où l’utilisateur jette son regard, mais sans interaction possible, pas même le déplacement. Par ailleurs, champ visuel limité oblige, HoloTour ne donne jamais l’impression d’être totalement immergé ailleurs, mais plutôt d’utiliser ses lunettes de réalité augmentée comme projecteur dynamique.
« Fragments » : scène de crime dans son salon
Des trois productions du studio bordelais Asobo, Fragments est la plus ambitieuse, mais aussi la plus risquée. Ici, point de petits animaux mignons ou de tourisme virtuel, mais une enquête avec l’unité spéciale de New York, sur une étrange disparition de mineure. Les premiers instants du jeu, avec l’hologramme d’un homme pointant son arme à feu sur le crâne d’un enfant à terre, donne immédiatement le ton plus sordide de cette expérience.
Dans le jeu "Fragments", une enquête sur une disparition, le joueur peut collecter des indices dans son propre salon. | Asobo/Microsoft
Dans cette enquête, le joueur doit collecter les indices dispersés dans sa propre pièce – ici, un ticket de transport, là, un dépliant publicitaire, là-bas, un compteur d’électricité – pour localiser le lieu de l’enlèvement de l’enfant. Naturellement adapté à une session de jeu plus longue, Fragments laisse davantage sur sa faim. Les quelques couacs d’interprétation de la pièce n’y sont pas étrangers : le casque de réalité augmentée a surexposé un mur de briques fictives sur des rideaux, et placé un hologramme de fenêtre précisément sur le mur entre deux fenêtres réelles. Quant au disjoncteur virtuel, placé sur l’interrupteur de la salle de bain, il entretenait lui aussi un certain sentiment de confusion.
Champ d’affichage restreint, analyse quelquefois hasardeuse de l’espace, et, pour être complet, un début de fatigue oculaire et un vague mal de nez : tels sont les principales limites de la prometteuse technologie de Microsoft, perçues après une heure d’utilisation. Young Conker, HoloTour et Fragments montrent néanmoins un monde de possibilités inédites. Aucune date de sortie n’a néanmoins encore été annoncée pour HoloLens.