Comprendre le changement des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale
Comprendre le changement des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale
Par Benjamin Bruel
Quelles sont les modifications apportées par la dissolution du groupe parlementaire à l’Assemblée nationale ?
La rupture est définitivement consommée au sein des écologistes, entre soutiens et opposants au gouvernement : le groupe qu’ils étaient parvenus à former à l’Assemblée nationale après les élections législatives de 2012 a finalement été dissous jeudi 19 mai. Les tensions avaient de nouveau été exacerbées après l’affaire Denis Baupin, qui avait conduit ce dernier à démissionner de la vice-présidence de l’Assemblée nationale, remplacé par François de Rugy, chef de file de la tendance « progouvernementale » des écologistes.
C’est la première fois, dans l’histoire de la Ve République, qu’un groupe éclate en pleine mandature : l’équilibre politique de l’hémicycle va-t-il en être modifié ?
Questions au gouvernement, en presence de Cécile Duflot et Francois de Rugy, le 10 novembre 2015. | AURÉLIEN MORISSARD / IP3
A quoi servent les groupes parlementaires ?
Depuis la IIIe République, les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat peuvent se regrouper par affinités politiques. La révision constitutionnelle de 2008 a même inscrit ce droit dans la Constitution, en accordant des droits spécifiques aux groupes minoritaires et d’opposition.
Pour peser dans les décisions prises par les chambres du Parlement, un élu peut adhérer à un groupe parlementaire. Il peut rejoindre celui de son choix et il n’y a pas de directive des partis sur l’affiliation à un groupe parlementaire. Une forme de souplesse accompagne donc l’adhésion : elle peut être entière, apparentée ou être un rattachement administratif. La différence réside dans la flexibilité des choix de l’élu vis-à-vis de son groupe. La discipline de vote est plus ou moins stricte selon le poids du groupe, et sa position officielle sur les votes importants est déterminée lors d’une réunion hebdomadaire.
Les groupes parlementaires possèdent de larges prérogatives. Les postes à responsabilité, les sièges en commissions et les temps de parole sont divisés à la proportionnelle entre les groupes. Il revient aussi aux groupes de choisir les orateurs durant les séances pour peser sur les décisions, par exemple dans les commissions permanentes.
Quels sont les groupes parlementaires à l’Assemblée nationale ?
Pour se constituer, un groupe parlementaire doit réunir au minimum 10 sénateurs ou 15 députés. Il y a 577 députés à l’Assemblée nationale (dont cinq postes actuellement vacants dans l’attente de législatives partielles), répartis en cinq groupes, auxquels s’ajoutent les non-inscrits.
A la suite de la dissolution du groupe écologiste, le 19 mai, six députés écologistes, dit « réformistes », ont décidé de rejoindre le groupe socialiste. Ils constitueront une composante « libre de ses positions », mais « inscrivant son action dans le cadre de la majorité », écrivent les députés « réformistes » Bruno Le Roux et François de Rugy dans un communiqué.
Aujourd’hui largement majoritaire, le groupe socialiste, républicain et citoyen changera prochainement de nom au profit de « Socialiste, écologiste et républicain » pour accueillir ses nouveaux adhérents.
Bien évidemment, ce changement ne modifie pas les composantes des autres groupes parlementaires de l’Assemblée nationale, qui conservent les mêmes noms et les mêmes effectifs.
Quelle sera la place des « contestataires » ?
Le groupe écologiste était auparavant constitué de seize députés à l’Assemblée nationale. Il y a donc onze « contestataires » qui ne souhaitent pas rejoindre les rangs du groupe majoritaire. Or, il faut quinze députés pour constituer un groupe autonome et indépendant.
Ces députés de l’aile gauche écologiste, menés par Cécile Duflot, sont pour le moment venus grossir les rangs des non-inscrits. Autrement dit, ils n’ont plus d’appartenance à un groupe et perdent les facilités allouées aux groupes parlementaires.
En effet, politiquement, les non-inscrits peuvent interroger seulement une fois tous les deux mois les membres du gouvernement, lors des questions au gouvernement. La garantie d’obtenir des temps de parole est donc plus que fragilisée. Par ailleurs, les non-inscrits ne peuvent pas demander à participer à la conférence des présidents de l’Assemblée nationale, où est fixé l’ordre du jour par les dirigeants de groupe. Ils ne peuvent donc plus exercer de pression sur le choix des débats.
En termes de fonds, ils perdent totalement la possibilité de recevoir la dotation financière allouée aux groupes parlementaires. En 2014, celle-ci s’élevait à 10,1 millions d’euros pour l’ensemble des groupes, répartis en fonction de l’importance des effectifs. Notons que cette dotation, extraite de la réserve parlementaire, se distingue toutefois des fonds alloués à chaque élu. Elle permettait cependant au groupe écologiste de salarier dix collaborateurs, qui risquent fort de se retrouver sans emploi.