Des élections professionnelles à 300 000 euros chez les magistrats
Des élections professionnelles à 300 000 euros chez les magistrats
Par Jean-Baptiste Jacquin
Les magistrats sont appelés à voter à partir du 13 juin, lors d’un scrutin jugé « archaïque et inégalitaire » par FO, et qui est surtout très onéreux.
Les élections professionnelles au sein de l’autorité judiciaire forment un rituel démocratique emprunt de solennité et de décorum. Le scrutin n’a pas changé depuis six décennies. Au point d’être dénoncé comme « archaïque et inégalitaire » par le syndicat minoritaire, FO-Magistrats.
Du 13 au 22 juin, les magistrats sont appelés à voter pour la commission d’avancement, l’instance chargée de gérer l’inscription, et les contestations en cas de non-inscription, des magistrats au tableau d’avancement des carrières. Le scrutin est indirect. A l’image des élections américaines, les magistrats sont appelés à voter pour des grands électeurs dans chaque ressort, tribunaux de grande instance et cours d’appel.
« Aux frais de la République »
En septembre, les 395 grands électeurs ainsi élus se rendront dans la grand chambre de la Cour de cassation pour procéder à l’élection des dix représentants des magistrats à cette commission d’avancement. Faire venir ces 395 magistrats de toute la France, c’est-à-dire de Bobigny comme de Biarritz, Saint-Denis de la Réunion ou Saint-Pierre-et-Miquelon, coûterait la bagatelle de 300 000 euros au ministère de la justice.
Béatrice Brugère, secrétaire générale de FO-Magistrats, dénonce une procédure « où l’on fait voyager aux frais de la République des magistrats juste pour glisser un bout de papier dans une urne à Paris ». Sans compter que, pendant ce déplacement protocolaire, ils ne sont pas dans les juridictions. Au moment où la justice manque cruellement de moyens, un vote électronique, ou même par correspondance, pourrait-il être envisagé ? Au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ou à la Cour de cassation, on assure n’avoir rien contre la modernité, mais « nous appliquons la loi ». De fait, ces modalités de scrutin sont inscrites dans l’ordonnance de décembre 1958 qui, dans la foulée de la Constitution de la Ve République, a organisé le statut de la magistrature.
L’enjeu de ces élections qui ont lieu tous les trois ans, alternativement pour les représentants au CSM et ceux à la commission d’avancement, est de fixer la représentativité relative des trois syndicats. Le précédent rapport de force entre l’Union syndicale des magistrats (USM, apolitique), le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) et FO-Magistrats était d’environ 70/25/5.
Le mode de scrutin favorise le premier de ces syndicats. Sur les dix sièges de la commission d’avancement sortante, l’USM en occupe neuf, le SM, un, et FO, aucun. Autre inégalité de ces scrutins d’un autre âge, la répartition des sièges par collège favorise la représentation de la haute hiérarchie : la voix d’un président de cour d’appel pèse davantage que celle d’un président de tribunal, qui elle-même pèse davantage que celle d’un jeune magistrat. Comme si aux élections professionnelles chez Renault, la voix du cadre dirigeant avait plus de poids que celle du contremaître ou de l’ouvrier !