Inondations : « On a juste pris des vêtements pour deux jours »
Inondations : « On a juste pris des vêtements pour deux jours »
Par Juliette Harau
Dans certaines villes progressivement inondées, les habitants regardent monter les eaux, en prenant leurs précautions, mais en retardant le moment de partir.
La montée des eaux à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne) a pris au piège des véhicules et des habitations jeudi 2 juin. | Pierre Bouvier / Le Monde
L’avenue du Front-de-Seine, à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne), se confond désormais avec le lit de la rivière. Ses eaux sont progressivement venues lécher les maisons attenantes, jeudi 2 juin, avant de s’infiltrer dans les caves. « On va devoir évacuer ? », s’interroge un habitant sorti observer le spectacle en début d’après-midi.
Mais personne ne semble pressé de sauter le pas. L’eau boueuse a d’abord débordé des canalisations dans la matinée, avant qu’une « vague » ne passe la digue. Depuis, le niveau s’élève très lentement, comme si le sinistre arrivait ici à petits pas. L’inondation est liée à un épisode pluvieux qualifié par le président François Hollande de « catastrophe naturelle » dans les zones les plus touchées.
Réunis sur le trottoir, des voisins observent une barque qui passe déjà de maison en maison dans ce qui était encore une rue quelques heures plus tôt. C’est un agent de la compagnie Engie qui coupe le gaz « pour sécuriser la zone, au cas où l’eau s’infiltrerait dans les canalisations ». Par chance, il a pu emprunter l’embarcation qu’un habitant remisait dans son jardin. Ça lui évite de se mouiller. « Mais c’est surtout les gens qui ont de l’eau chez eux qui sont à plaindre », lâche-t-il.
Habitants des zones inondables
C’est en barque qu’un agent coupe le gaz des maisons submergées depuis quelques heures à Villeneuve-Le-Roi, jeudi 2 juin. | Juliette Harau / Le Monde
« Je peux vous prendre en photo ? », lui demande une dame déjà à l’œuvre avec son téléphone. « On ne voit pas ça tous les jours », ajoute-t-elle, mi-amusée, mi-dépitée. La dernière crue sérieuse ayant touché cette zone inondable remonte à 1982.
Il est 14 heures passées, l’heure de limiter les dégâts. La conversation prend une tournure pratique : « Je vais aller garer ma voiture sur le parking de l’Intermarché », dit quelqu’un. Thomas Nagard tend l’oreille, ça l’intéresse. Depuis que l’eau a rempli à des sous-sol le matin, il prépare tranquillement sa maison au passage du sinistre. Avec son colocataire, ils se sont cuit une platée de pâtes « avant que l’élec’ ne soit coupée » et rehaussent les meubles avec des parpaings fournis par la mairie. « Je monterais bien aussi la gazinière à l’étage », suggère Aël Pouliquen, le colocataire, qui se console en remarquant que « c’est déjà une chance, d’avoir un étage pour mettre les choses importantes à l’abri ».
Anticipation sereine pour les deux trentenaires : « On partira au dernier moment », assurent-ils. Ils n’ignorent pas que leur rue se situe en zone inondable, d’où peut-être le fatalisme ambiant. « Je me revois dire “ça arrive tous les 100 ans”, lors de la signature du bail », se souvient Thomas Nagard, presque résigné.
3 200 personnes invitées à quitter leur logement
En face, de l’autre côté de la Seine, Villeneuve-Saint-Georges a accusé le coup vingt-quatre heures plus tôt. De ce côté du pont, les habitants ont donc eu une journée supplémentaire pour prendre conscience de ce qui se passait. Un premier quartier a été inondé sous 2 mètres d’eau mercredi. L’ordre d’évacuer a été donné à un deuxième jeudi. En tout, ce sont 3 200 personnes qui ont été invitées à quitter leur logement dans cette ville de 33 000 habitants. Pris au dépourvu, certains ont eu besoin de l’intervention des pompiers pour quitter leur foyer, en barque.
C’est le cas des membres de la famille Inparasa, qui ont trouvé le rez-de-chaussée de leur maison inondé à leur réveil mercredi. « On a compris qu’il fallait partir, que ça ne redescendrait pas, raconte un des fils, Béni. On a juste pris des vêtements pour deux jours. » Evacués par les pompiers, ils ont passé la nuit chez des proches. Une centaine d’habitants ont eux trouvé refuge dans un gymnase municipal.
Et cette situation risque de durer : « L’eau devrait continuer à monter au cours des vingt-quatre ou quarante-huit prochaines heures, explique Rémi Jourdan, du cabinet du maire. Après ça, l’eau va encore stagner pendant une bonne semaine. » Le commandant Plus, porte-parole des pompiers de Paris, confirme : « Quand l’eau redescend, le travail n’est pas fini. »
Au lendemain de leur première nuit hors de chez eux, Béni Inparasa et sa mère se sont rendus à la mairie, puis au commissariat. Ils pensaient devoir signaler qu’ils étaient à l’abri, et espéraient surtout obtenir l’autorisation de retourner dans leur maison, chercher des documents importants : « Surtout les assurances de la maison, s’inquiète le jeune homme. Si on doit faire valoir des dommages, on va en avoir besoin. »