En obtenant du congrès extraordinaire du Parti de la justice et du développement (PJD) le feu vert pour les élections législatives d’octobre, Abdelilah Benkirane se met en position d’être nommé une deuxième fois chef du gouvernement. Samedi 28 mai, à Rabat, le congrès extraordinaire a été l’occasion de voter une motion cruciale : le report à 2017 du congrès ordinaire, initialement cette année, afin de mieux préparer les prochaines élections. Une décision qui prolonge d’autant les mandats des dirigeants de la formation politique islamiste.

Le PJD se met ainsi en conformité avec la loi sur les partis politiques qui exige de tenir congrès tous les quatre ans (article 49). De plus, ses statuts limitant à deux le nombre de mandats de secrétaire général, la question du leadership aurait pu être un casse-tête à l’approche des législatives. Mais la percée du PJD lors des élections communales de septembre 2015 et la popularité quasi intacte d’Abdelilah Benkirane, couplées à l’affirmation du Parti authenticité et modernité (PAM) comme premier challenger, ont renforcé l’option du statu quo à la tête du parti.

Si d’aventure M. Benkirane réussissait son pari en menant son parti vers une deuxième victoire aux législatives, il serait alors en position de force pour faire modifier les statuts du PJD et briguer un troisième mandat de secrétaire général. Tout comme il pourrait se retirer, avec le sentiment du travail accompli. Dans tous les cas, en reportant ce choix à 2017, il s’épargne une polémique dont ses adversaires n’auraient pas hésité à se saisir pour le critiquer lors de la campagne électorale.

« On va gagner, Inch'Allah »

Si la question du report du congrès, approuvée par 95 % des 1 644 congressistes présents lors d’un vote secret, était cruciale, le temps fort du week-end aura été le discours d’Abdelilah Benkirane, prononcé sans notes comme à son habitude, ainsi que sa diffusion en direct sur Facebook Live, une première pour un parti marocain. Une tribune énergique qui donne le ton de la campagne des législatives du 7 octobre. Avec le ramadan qui se profile et la pause estivale, le mois de septembre s’annonce en effet trop court pour marteler les messages du chef du gouvernement, notamment sa conviction d’un triomphe électoral. « Ce parti va gagner, Inch’Allah », n’a pas hésité à scander M. Benkirane, en vantant les résultats du gouvernement et le lien particulier qui l’unit aux citoyens.

Il a aussi attaqué sans ménagement ses opposants, notamment le premier d’entre eux : Ilyas Al-Omari. Sans nommer le secrétaire général du Parti authenticité et modernité (PAM), élu en janvier, il en a fait la cible de ses saillies. Evoquant le groupe de presse qu’Al-Omari a récemment lancé, composé d’un quotidien arabophone, d’un hebdomadaire francophone, de trois mensuels et d’un site Internet, M. Benkirane de conseiller : « Ramasse tes petits papiers, personne ne les lit ! »

Son auditoire appréciait chaque flèche décochée en direction du PAM, comme lorsqu’il s’est interrogé ironiquement, après avoir égrené la liste des villes remportées récemment par le PJD « comment la modernité s’est infiltrée dans les campagnes mais a oublié les villes ». Le premier ministre n’a pas oublié de louer la « stabilité du Maroc dans un environnement perturbé ». Après Dieu, il en a cité les raisons : la « sagacité » du roi Mohammed VI, « l’intelligence et la raison des Marocains » et son « gouvernement ». Dans l’ordre.