Succès du service antispam Bloctel sur fond de polémique
Succès du service antispam Bloctel sur fond de polémique
Propos recueillis par Olivier Dumons
Mis en place le 1er juin, le service téléphonique gratuit suscite de nombreuses interrogations sur sa confidentialité et son efficacité. Entretien avec la secrétaire d’Etat chargée de la consommation.
Le succès aura été aussi fulgurant que sa mise en place aura été poussive : dès le lendemain de la mise en ligne de la nouvelle plateforme antidémarchage téléphonique Bloctel.gouv.fr, un million de personnes se sont inscrites, selon Martine Pinville, la secrétaire d’Etat chargée de la consommation. Preuve d’une « forte attente des Français », mais surtout d’un impressionnant ras-le-bol des consommateurs face à ces pratiques intrusives.
Déjà 1 million d'inscrits sur #Bloctel! Un dispositif du @gouvernementFR qui répond à une forte attente des Français https://t.co/pz2dTQJfSt
— MartinePinville (@Martine Pinville)
Promis depuis plus de trois ans, et initié le 17 mars 2014 dans le cadre de la loi Hamon relative à la consommation, ce principe de liste rouge contre le démarchage intempestif suscite depuis son lancement, le 1er juin, de nombreuses questions. Sur Twitter, les internautes s’interrogent notamment sur la confidentialité et l’efficacité supposée d’un tel dispositif. Sollicitée par Le Monde, la secrétaire d’Etat a tenu à préciser le cadre de sa mise en place.
Pourquoi demander autant de données personnelles lors de l’inscription (puisque normalement seuls suffisent les numéros de téléphone pour activer la suppression) ?
Les noms, prénoms et adresse sont utiles en cas de contestation, notamment si une personne en inscrit une autre. Il pourra être vérifié en fonction de l’adresse et du nom. Par ailleurs, si le consommateur perd son accès à Internet il pourra être contacté par courrier.
Combien de signalements attendez-vous par semaine ? Les effectifs de la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) seront-ils suffisants pour y répondre ?
Il n’est pas possible de déterminer par anticipation le nombre de réclamations, le dispositif étant nouveau. Avant le 1er juin, le démarchage téléphonique n’était pas encadré et tout professionnel pouvait faire de la prospection commerciale. Aujourd’hui, les entreprises du secteur trouvent un intérêt à adhérer au service car, au-delà du respect de la loi, cela renforce leur image vis-à-vis des consommateurs.
Les réclamations sont gérées par les 2 400 agents de la DGCCRF répartis dans les services déconcentrés des 101 départements français (directions départementales chargées de la protection des consommateurs). Une coordination sera mise en place pour les dossiers d’ampleur nationale. La gestion du dispositif a été déléguée à l’organisme Opposetel, mais des agents de l’administration centrale en assurent le suivi.
Le consommateur aura-t-il un suivi de sa réclamation ?
Pour être transmis, le signalement fait par le consommateur inscrit devra comporter certains éléments indispensables à l’enquête (numéro de l’appelant, date et heure). Plus le consommateur donne d’informations (nom de l’entreprise, secteur d’activité, prénom du téléopérateur, etc.) plus l’enquête sera efficace. Après vérifications, ce signalement, s’il est avéré, sera transmis aux services de l’Etat. Le consommateur en sera informé mais ne pourra avoir accès, sur le site, à son suivi. Les enquêteurs pourront également le contacter pour tout élément supplémentaire.
Qui va appliquer les sanctions et dans quels délais ?
Ce sont les services de la DGCCRF qui prononceront les sanctions administratives après enquête, en fonction notamment du nombre de réclamations. S’agissant d’une amende administrative, elle n’est pas automatique et dépend des circonstances liées au manquement. Le délai pourra varier en fonction de la difficulté de l’enquête (notamment pour identifier l’entreprise à l’origine du manquement) et pourra être rapide si l’analyse ne demande pas trop d’investigations. Tout en respectant le principe du contradictoire.
Les représentants du conseil d’administration d’Opposetel gèrent également des sociétés privées de démarchage téléphonique. Quelles garanties a le gouvernement sur cette non-collusion de pouvoirs ? A quand un « comité des sages » ?
La société Opposetel qui gère le service Bloctel a été désignée délégataire de service public dans le cadre d’une procédure transparente, avec une attention particulière portée au respect de la protection des données à caractère personnel. L’Etat contrôle l’entreprise et dispose d’un commissaire de gouvernement qui peut à tout moment vérifier son activité. Il a ensuite saisi la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui s’est assurée du respect de la protection des données des consommateurs inscrits sur la liste d’opposition. La CNIL a d’ailleurs sur ce point exigé un niveau sécurité élevé pour éviter que les données des consommateurs puissent être revendues ou utilisées à des fins de prospection.
La société Opposetel ne dispose d’aucun droit sur les données collectées. Elle s’est engagée dans le contrat de délégation de service à respecter toute confidentialité et de s’interdire toute utilisation des données. Elle est, au sens de la loi de 1978, responsable de traitement et pourrait être sanctionnée à des peines importantes allant jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires.
La DGCCRF sera par ailleurs et en relation constante avec la CNIL sur ces questions. Il n’y a donc aucune crainte à avoir sur l’utilisation des données qui seront transmises au service Bloctel : elles font l’objet d’une protection renforcée, sans accès possible par des tiers et inutilisables par la société délégataire.
Exemple d’entreprise de démarchage téléphonique appartenant à l’un des membres du conseil d’administration d’OPPOSETEL. | DR