Attentat de Nice : les réponses à vos questions
Attentat de Nice : les réponses à vos questions
Par Adrien Sénécat
Qu’est-ce qu’un terroriste « radicalisé très rapidement » ? Que penser de la revendication de l’attentat par l’organisation Etat islamique ? Eléments de réponses.
Dans le Vieux-Nice, le 15 juillet. | FRANCE KEYSER/MYOP POUR LE MONDE
De nombreuses questions ont été posées au Monde dans notre suivi de l’attentat de Nice qui a fait 84 morts jeudi 14 juillet. Voici les réponses que nous pouvons donner aux principales interrogations de nos lecteurs. Il faut néanmoins garder à l’esprit que l’enquête est encore en cours et que la situation peut évoluer rapidement.
1. Pourquoi parle-t-on d’un terroriste « radicalisé très rapidement » ?
Le profil du terroriste Mohamed Lahouaiej Bouhlel, tué par les forces de l’ordre à l’issue de l’attentat, reste trouble pour l’heure. Les différentes informations dont on dispose à son sujet dessinent le portrait d’un homme aux motivations troubles.
Ce Tunisien de 31 ans, en instance de divorce et père de trois enfants, est décrit par son voisinage comme un homme instable, violent et qui n’avait pas « toute sa tête ». Il était connu pour des faits de menaces, violences, vols et dégradations commis de 2010 à 2016 et a été condamné, en mars 2016, à six mois de prison avec sursis pour des faits de violence volontaire avec arme commis en janvier. Il n’était, en revanche, pas identifié par les services de renseignement avant l’attentat. Il est d’ailleurs dépeint comme peu religieux – il ne ferait ni la prière ni le ramadan.
Pour le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, cet individu « semble s’être radicalisé très rapidement ». Il a évoqué « un attentat d’un type nouveau » perpétré par « des individus sensibles au message de Daech [l’acronyme arabe du groupe Etat islamique] qui s’engagent dans des actions extrêmement violentes sans nécessairement avoir été entraînés ».
Selon les informations du Monde, le ministre de l’intérieur se base notamment sur les gardes à vue en cours dans l’affaire. Le travail des enquêteurs depuis jeudi 14 juillet a également permis de repérer des noms « intéressants » dans les contacts de Mohamed Lahouaiej Bouhlel.
2. L’Etat islamique a-t-il récupéré l’attentat, ou l’a-t-il préparé ?
L’organisation djihadiste a désigné samedi 16 juillet Mohamed Lahouaiej Bouhlel comme un de ses soldats qui a « mené l’opération en réponse aux appels à viser les ressortissants des pays de la coalition qui combat l’EI », dans un message diffusé sur sa radio Al-Bayan. Le profil du terroriste diffère néanmoins de ceux des djihadistes responsables des attentats précédents en France. Il ne faisait pas l’objet d’une fiche S des services de renseignement et ne s’est jamais rendu en Syrie, en Irak au Yémen, en Afghanistan ou encore au Pakistan au cours des dernières années.
Les liens entre l’organisation terroriste et Mohamed Lahouaiej Bouhlel restent à démontrer, et ne sont pas nécessairement étroits. Interrogé par Le Monde samedi, le journaliste David Thomson, spécialiste de la mouvance djihadiste, relevait néanmoins que « jusqu’ici, l’Etat islamique n’a jamais rien revendiqué de façon opportuniste ». Et de préciser :
« S’ils revendiquent, ça veut dire qu’ils ont des preuves de ces liens et qu’ils vont “feuilletonner”. Par exemple, pour le crash du vol russe en Egypte, ils avaient diffusé la photo de la canette d’explosifs qu’ils avaient glissée dans la soute, alors que les autorités égyptiennes refusaient d’admettre leur implication, qui est aujourd’hui avérée. »
A partir des éléments connus pour l’heure, dimanche 17 juillet au matin, on peut simplement dire que l’attentat de Nice n’a pas forcément été coordonné ou aidé par le groupe Etat islamique. On ne sait pas non plus si ce dernier avait connaissance du projet de tuerie avant le 14 juillet. Mais il y a pu avoir des contacts entre un ou plusieurs de ses membres et Mohamed Lahouaiej Bouhlel.
3. Comment le camion a-t-il pu pénétrer sur la promenade des Anglais ?
D’après les éléments communiqués vendredi en fin de journée par le procureur de la République de Paris, François Molins, Mohamed Lahouaiej Bouhlel est monté à 21 h 34, dans le quartier Auriol, à bord du camion qu’il avait loué trois jours plus tôt. Il est ensuite apparu à 22 h 30 dans le quartier Magnan, avant de prendre la direction du front de mer, où il a débouché à 22 h 45.
Il commence alors à remonter la promenade des Anglais, sur la partie laissée libre de circulation en ce 14-Juillet. Mais déjà, il mord sur le trottoir pour commencer à percuter des gens. Puis il atteint le point de barrage situé au niveau de l’intersection avec le boulevard Gambetta. Le seul qui se dresse en travers de son expédition funeste. « Il n’y a pas cinquante points de contrôle, confirme un syndicaliste policier de la région. Il y a juste un endroit où la circulation est bloquée, et ce n’est même pas un point de contrôle. Les policiers mettent une barrière et il a tout défoncé. »
Le voilà alors introduit sur la partie de la promenade des Anglais traditionnellement dévolue aux piétons le jour de la fête nationale. Celle-ci s’étend jusqu’au port de la ville. Mohamed Lahouaiej Bouhlel va transformer cet espace en scène de massacre. Il fauche ses victimes sur environ 1 700 mètres avant un premier échange de tirs avec les forces de l’ordre près de l’hôtel Negresco. Il termine sa course environ 300 mètres plus loin à hauteur d’un autre hôtel niçois, le palais de la Méditerranée, vers 23 heures. C’est là que le terroriste est abattu, dans l’habitacle, par les policiers.
Attentat de Nice : le déroulé des événements
Durée : 01:54
4. Pourquoi les impacts de balle étaient-ils concentrés sur le côté gauche du pare-brise du poids lourd ?
Le procureur de Paris, François Molins, a affirmé que « le terroriste a été retrouvé mort sur le siège passager ». Ce que semblent confirmer des images de la scène tournées par un touriste égyptien. Ce qui explique pourquoi, à la grande surprise de certains internautes, la majorité des impacts de balle se situent sur le côté gauche du camion.
Les impacts sur la vitre avant du camion se situent surtout au niveau du siège côté passager. | VALERY HACHE / AFP
5. De quel type de véhicule s’agissait-il ?
Toujours selon le procureur de Paris, le terroriste a frappé à bord d’un « véhicule frigorifique de 19 tonnes loué le 11 juillet à une société de location de Saint-Laurent-du-Var » et qui aurait dû être restitué la veille de l’attentat.
6. A-t-on des nouvelles du motard qui a essayé d’arrêter le camion ?
Plusieurs témoins, dont le journaliste allemand Richard Gutjahr, ont raconté qu’un motard a tenté de stopper la course véhicule. « Le motard a essayé de le dépasser et a même essayé d’ouvrir la portière côté conducteur du camion », a confié le journaliste à l’AFP. L’homme a ensuite chuté, comme le montrent des images tournées en amateur.
Dimanche 17 juillet, on ne sait toujours pas quel a été le sort de ce motard. Aucune information sur son état de santé n’a par ailleurs été communiquée.
7. Sait-on combien d’attentats ont été déjoués dernièrement en France ?
« Quinze projets d’attentat ont été évités au cours de ces trois dernières années », a affirmé Manuel Valls le 15 juillet sur France 2. Il a notamment insisté sur l’arrestation de Reda Kriket le 30 mars 2016 qui a permis, selon lui, d’éviter « un attentat particulièrement meurtrier ».
En mars, Bernard Cazeneuve évoquait « onze projets d’attentat [qui] ont été déjoués dont six depuis le mois de janvier 2015 ». Une liste complétée par le projet d’attentat de Reda Kriket, ainsi que par des attentats évités pendant l’Euro 2016, selon le ministre de l’intérieur.
8. Qui est le Mohamed Bouhlel présenté comme vivant en Tunisie ?
Il s’appelle Mohamed Bouhlel mais n’est pas le terroriste de Nice. Ce Niçois et Tunisien a été confondu par certains internautes et médias avec le tueur, à cause d’une simple homonymie, et a reçu des menaces de mort sur les réseaux sociaux et des sites Internet proches de l’extrême droite ont diffusé son portrait en le présentant comme « l’auteur du carnage ».
capture d'écran Le Monde
« La mésaventure, pour dire le peu, est si violente pour moi que je n’ose pas rentrer à Nice. En effet, je suis en Tunisie en ce moment pour les vacances d’été et mon billet de retour était prévu pour le 15 juillet », a témoigné la victime de cette violente méprise auprès de L’Obs.
Certains sites à tendance conspirationniste ont même cru y voir, à tort, un signe que le terroriste responsable de la tuerie pourrait ne pas s’appeler Mohamed Lahouaiej Bouhlel, ce qui a encore un peu plus semé la confusion.
9. Le tueur avait-il des armes dans le camion ? Que contenait le camion ?
Selon François Molins, dans le camion frigorifique, qui avait été loué le 11 juillet et aurait dû être restitué le 13 juillet, ont été retrouvés un pistolet de calibre 7.65, un chargeur, des cartouches percutées et non percutées, un pistolet factice, deux répliques de fusils d’assaut, une grenade percée factice, ainsi qu’une carte bancaire, un téléphone portable, un vélo et huit palettes vides.