Des supporteurs du Fenerbahçe en 2014. | OZAN KOSE / AFP

C’est avec une impatience que les fans du Fenerbahçe, le club de football le plus populaire de Turquie, attendent le match aller du troisième tour préliminaire de la Ligue des champions contre l’AS Monaco, qui se jouera au grand stade Sukru Saracoglu, sur la rive asiatique d’Istanbul, mercredi 27 juillet.

C’est la première fois, en cinq ans, que le Fenerbahçe dispute un match européen. Eclaboussé en 2011 par une affaire de matchs truqués, le club s’est retrouvé exclu par l’UEFA de la Ligue des champions à la saison 2013-2014, pour les trois prochaines saisons, la troisième étant sujette à une période de probation de cinq ans. Son président, Aziz Yildirim, a été condamné par la justice turque à un an et trois mois de prison.

Mais surtout, les fans turcs brûlent de se replonger dans le divertissement pour mieux oublier la nuit tragique (270 morts) du 15 au 16 juillet, lorsqu’une partie de l’armée a tenté de renverser le pouvoir islamo-conservateur, aux manettes du pays depuis 2002.

L’état d’urgence a été instauré pour trois mois. Arrestations, confessions médiatisées, purges, confiscations font désormais les « unes » des journaux. Le moral s’en ressent. D’autant que le « grand ménage » en cours n’a pas épargné le ministère de la jeunesse et des sports où des fonctionnaires ont été suspendus. Ils sont soupçonnés d’appartenir à la mouvance du prédicateur Fethullah Gülen, désigné par Ankara comme l’instigateur du soulèvement. Choyé par les islamo-conservateurs de 2002 à 2013, son mouvement est aujourd’hui décrit comme « plus dangereux que l’Etat islamique et qu’Al-Qaida », selon Berat Albayrak, ministre de l’énergie et gendre du président Recep Tayyip Erdogan.

Mesures de sécurité

L’ombre de la tentative de putsch a d’ailleurs plané sur l’organisation de la rencontre. Il faut dire que l’AS Monaco a demandé des mesures de sécurité renforcées, allant jusqu’à adresser une lettre en ce sens au ministère de l’intérieur turc, ce qui a légèrement agacé Cagatay Kilic, le ministre de la jeunesse et des sports.

« Ce genre de demande est courant entre clubs. Nous avons pris des dispositions, tout se passera normalement. Après tout, la France a organisé l’Euro 2016 sous état d’urgence. En quoi notre état d’urgence est-il plus inquiétant ? »

Le ministre en a profité pour tacler indirectement Mario Gomez, l’attaquant allemand, qui avait déclaré, juste après la tentative de putsch, qu’en raison de « la situation politique » il ne retournerait pas jouer au Besiktas, le club d’Istanbul qu’il a rejoint en 2015.

« Ils ne devraient pas faire de telles déclarations. Cela nous contrarie. C’est leur décision, mais le plus étonnant c’est qu’ils font comme s’il n’y avait pas de risques de terrorisme dans les pays où ils rentrent », a encore déclaré M. Kilic en faisant référence aux quatre attaques qui ont eu lieu en Bavière la semaine dernière.

Dans ce climat, c’est donc avec soulagement que les Turcs ont appris que l’attaquant néerlandais Robin Van Persie, l’étoile du Fenerbahçe, a décidé, après des mois de spéculations, de rester au club.

Cependant, les supporteurs du Fenerbahçe sont mécontents. En cause : les prix des billets beaucoup trop élevés à leur goût (en moyenne 120 livres tuques, soit 40 euros). Une partie d’entre eux n’assistera donc pas au match de ce soir.