Brésil : Fernando Collor, l’accusé accusateur
Fernando Collor, l’accusé accusateur
Par Claire Gatinois (Brasilia, envoyée spéciale)
L’ancien président brésilien, visé par une destitution en 1992, a coté contre Dilma Rousseff.
Le sénateur et ancien président brésilien, Fernando Collor de Mello, le 31 août, à Brasilia. | ANDRESSA ANHOLETE / AFP
Il s’est avancé d’un pas tranquille vers la tribune du Sénat avant de prononcer sa sanction contre la présidente brésilienne Dilma Rousseff, accusée d’avoir provoqué une « tragédie annoncée ». Chef d’Etat destitué en 1992 suite à un scandale de corruption, Fernando Collor de Mello, sénateur depuis 2007, est passé du statut de victime à celui de juge. Hier destitué, le voici accusateur de Dilma Rousseff.
Comparé dans les années 1990 à une étoile filante, Fernando Collor est devenu un dinosaure de la politique brésilienne. Près de vingt-cinq ans après sa destitution, l’ancien président hante toujours les coulisses du pouvoir. Il a même adhéré à la majorité présidentielle de Luiz Inacio Lula da Silva. Doté d’un aplomb dont seuls les politiciens sont capables, il a, en mai, utilisé les arguments de son propre impeachment, lié à son manque de probité, pour justifier l’ouverture de la procédure de destitution de Dilma Rousseff. La crise économique et financière est, dit-il, le symptôme d’un drame brésilien plus profond, une crise morale.
« Chasseur de maharadjahs »
A l’époque de son propre impeachment, le chef d’Etat se présentait pourtant comme le jouet d’un « syndicat du coup d’Etat ». Certain que l’histoire finirait par lui rendre hommage. Fils de bonne famille à la réputation de play-boy dilettante, il avait créé la surprise lors de la campagne présidentielle de 1989 durant laquelle s’affrontaient deux figures de la gauche : Leonel Brizola et Lula. S’érigeant en parangon de vertu endossant le combat contre la corruption et en « chasseur de maharadjahs », ces profiteurs de l’administration, le quadragénaire sportif et charmeur élu président devient alors la coqueluche des médias.
Sa disgrâce fut brutale. Et à l’approche de son jugement en destitution, en octobre 1992, il n’eut pas le courage d’une Dilma Rousseff, qui a affronté en personne, lundi, durant plus de quatorze heures, les questions des sénateurs. Le jour de son jugement, Fernando Collor avait préféré s’esquiver, mandatant un avocat chargé de déposer au Sénat sa lettre de démission. Est-ce à lui que faisait référence l’ancienne guérillera en évoquant le « silence obséquieux des lâches » ?