Contre les trafics et la piraterie, l’Afrique veut sécuriser ses mers
Contre les trafics et la piraterie, l’Afrique veut sécuriser ses mers
Samedi, plus de 40 pays africains ont adopté une charte, afin d’assurer une meilleure sécurité des côtes du continent.
Un hélicoptère à la poursuite d’un bateau soupçonné d’abriter de pirates somaliens, en 2009. | PIERRE VERDY / AFP
C’est un « geste on ne peut plus historique dans la vie de notre continent », selon le président congolais Denis Sassou Nguesso. En conclusion d’un sommet organisé à Lomé (Togo) à l’initiative de l’Union africaine, plus de quarante pays africains ont adopté une charte, samedi 15 octobre, afin d’assurer une meilleure sécurité des côtes, financer un fond spécial et protéger l’environnement.
La charte de Lomé, qui doit encore être ratifiée, doit contraindre les Etats signataires à « créer un fonds de sécurité et de sûreté maritimes », mais aussi faciliter « l’accès aux informations », grand point noir dans la lutte contre les trafics maritimes en Afrique. Le manque de coopération, notamment d’échange d’informations entre les différents pays, est un grand avantage pour les pirates et les contrebandiers, qui peuvent passer d’une zone territoriale à l’autre sans être inquiétés.
Si l’Afrique développe son économie maritime, elle parviendra plus facilement à financer sa propre sécurité. Car le manque de financement est un problème auquel sont régulièrement confrontés les pays africains pour la mise en œuvre de leurs projets. « L’Afrique est plus exposée que les autres continents pour la simple raison qu’elle a très peu de compétences et de moyens pour faire face à cette situation », avait observé vendredi le chef de l’Etat tchadien, Idriss Déby, président en exercice de l’UA.
Toutefois, même sous cette charte, les pays n’ont aucune obligation de divulguer des informations « si cela n’est pas dans l’intérêt de la sécurité nationale », note Timothy Walker, expert maritime pour Institute for Security Studies (ISS). « Ce sommet est un grand pas, mais il ne doit pas être le dernier. Il reste beaucoup de travail à faire », ajoute le chercheur, présent à Lomé. « Cependant, nous voyons depuis ces dernières années un intérêt grandissant pour les mers, et notamment pour “l’économie bleue” et l’argent qu’elles peuvent générer. »
Intérêts internationaux
« L’économie bleue » a en effet été le point central des discussions dans la capitale togolaise. Avec un total de 13 millions de km2 de zones économiques maritimes et 17 % des ressources mondiales en eau douce, « l’Afrique doit voir cette richesse comme une opportunité de développement durable », a martelé Uhuru Kenyatta, le président du Kenya.
Transports maritimes, ports, pêches industrielles, ces secteurs économiques sont largement dominés par des intérêts internationaux qui échappent au continent. Bathelemy Blédé, chercheur en sécurité maritime basé à Abidjan pour ISS, remarque que « les pays développés » défendent les côtes africaines, notamment dans le Golfe d’Aden ou dans le Golfe de Guinée, pour protéger leurs intérêts. « L’aide internationale est évidente. »
« C’est un acte politique très important de la part de l’UA, parce que l’enjeu de la sécurité du continent est mis en avant comme une priorité et les engagements politiques, juridiques qui accompagnent la charte de Lomé sont essentiels sur la longue durée », a confié le ministre français de la défense, Jean-Yves Le Drian, venu apporter à Lomé le soutien de la France à ses partenaires africains.
90 % des importations et exportations du continent transitent par la mer, et un nombre important des corridors commerciaux maritimes les plus stratégiques se trouvent dans l’espace maritime africain.
43 pays étaient représentés au sommet de Lomé, dont 18 par leur chef d’Etat, sur les 54 pays que compte l’Union africaine. « C’est un acte historique. Mais une chose est d’adopter un texte et de le signer, l’autre chose est de le ratifier. S’il y a une réelle volonté de ceux qui ont signé cette charte, ils doivent en principe, une fois arrivés chez eux, mettre tout en œuvre pour que cette charte soit ratifiée, afin qu’elle devienne contraignante », tempère Barthelemy Blédé (ISS).