L’Autriche veut raser la maison natale d’Hitler
L’Autriche veut raser la maison natale d’Hitler
Par Blaise Gauquelin (Vienne, correspondant)
Le bâtiment attirait régulièrement les néonazis. La propriétaire avait toujours refusé de vendre ce bien classé, construit au XVIIe siècle.
Le 18 avril 2015, une pierre commémorative devant la maison où Adolf Hitler est né, à Braunau Am Inn, en Autriche. | JOE KLAMAR / AFP
Le ministre de l’intérieur autrichien a annoncé qu’il allait faire raser la maison où naquit Adolf Hitler le 20 avril 1889, dans le centre de Braunau-am-Inn (Nord). Prévenant les critiques de personnalités souhaitant voir cette bâtisse jaune transformée en musée, Wolfgang Sobotka (ÖVP, conservateur-chrétien) a déclaré, lundi 17 octobre, qu’il avait choisi de suivre prudemment les conclusions d’une commission mise en place par le gouvernement, et à laquelle appartiennent des historiens, ainsi que le président de la communauté juive du pays.
Des visites de la chambre d’Hitler
Sa décision constitue un épilogue tardif et radical pour une affaire qui menaçait de ternir la réputation de Vienne sur la scène internationale. En novembre 2014, l’hebdomadaire autrichien Profil avait révélé le versement à la propriétaire de cette grande demeure bourgeoise, Gerlinde Pommer, d’un loyer mensuel de 4 700 euros, justifié depuis 1972 par une volonté étatique légitime d’empêcher l’établissement d’un lieu de pèlerinage nazi.
Or ces cinq dernières années, Mme Pommer se contentait d’empocher les chèques et prenait un soin méticuleux à faire capoter tous les projets liés au travail sur l’histoire. Dès les années 1930, la famille dont elle est héritière arrondissait ses fins de mois en organisant des visites de la chambre d’Hitler. En 1938, elle vendit la maison à un prix exorbitant au parti nazi (NSDAP), pour la récupérer après la guerre, en faisant avaler à une République alors peu regardante qu’elle avait dû la céder sous la pression.
Politique mémorielle
Trois générations plus tard, la propriétaire semble très loin de souhaiter s’expliquer face à ce très lourd passé. Elle fuit tout contact avec la presse. Plusieurs ministres de l’intérieur se sont succédé en vain à son domicile, dans le but de la persuader de vendre ce bien classé construit au XVIIe siècle. Fin juillet, le gouvernement, qui évoque un cas sans précédent, a donc formulé un projet d’expropriation nécessitant un changement de loi, le droit de propriété étant sacro-saint en Autriche.
En 2012, cette fois avec l’accord d’une descendante, la sépulture des parents d’Hitler avait déjà été discrètement retirée d’un cimetière communal, dans le village de Leonding. En rasant la maison, qui vient rappeler les origines autrichiennes du dictateur allemand, Vienne espère pouvoir se débarrasser une bonne fois pour toutes de la dernière tache sur le bilan – pourtant bien lisse, ces dernières années – de sa politique mémorielle.