Sida : des succès en demi-teinte contre la pandémie
Sida : des succès en demi-teinte contre la pandémie
Par Paul Benkimoun
Le rapport annuel d’Onusida pointe une forte réduction des nouvelles infections par le VIH chez les enfants, mais aussi la vulnérabilité des jeunes femmes.
C’est un bilan en demi-teinte de la lutte contre la pandémie de VIH-sida que livre le rapport annuel d’Onusida, rendu public lundi 21 novembre, à Windhoek (Namibie). Le nombre de personnes ayant accès aux traitements antirétroviraux salvateurs a progressé d’un million au cours des six premiers mois de 2016, pour atteindre 18,2 millions d’individus, dont près d’un million d’enfants.
De même, le nombre de nouvelles infections annuelles chez les moins de 15 ans a chuté à 150 000, soit 51 % de moins qu’en 2010, grâce à une augmentation de l’accès aux traitements prévenant la transmission de la mère à l’enfant : 77 % des femmes enceintes en ont bénéficié en 2015 contre 50 % en 2010.
Cependant, certains constats demeurent alarmants. A commencer par le nombre de nouvelles infections chez les adultes qui ne décline plus depuis 2010 et stagne autour de 2 millions (2,1 millions en 2015 contre 1,9 million en 2010). Rien d’étonnant donc à ce qu’en présentant le rapport, le directeur exécutif d’Onusida, Michel Sidibé, ait déclaré :
« Les progrès que nous avons accomplis sont remarquables, en particulier autour du traitement, mais ils sont aussi incroyablement fragiles. De nouvelles menaces émergent et si nous n’agissons pas maintenant, nous risquons une résurgence et des résistances. C’est ce que nous avons vu avec la tuberculose. Nous ne devons pas commettre la même erreur. »
« Le monde laisse tomber les jeunes femmes »
En entrant davantage dans le détail, le rapport souligne les inégalités dans l’accès aux progrès constaté. Un nombre record de personnes de plus de 50 ans vit désormais avec le VIH, ce qui reflète l’effet des traitements : elles sont 5,8 millions dans le monde. Si l’objectif d’atteindre 30 millions de patients séropositifs traités est atteint en 2020, ce chiffre serait porté à 8,5 millions.
Mais surtout, l’Onusida souligne une période de très grande vulnérabilité dans la tranche d’âge dite de « transition de jeunes filles à femmes », en particulier en Afrique subsaharienne. « Les jeunes femmes sont exposées à une triple menace, commente Michel Sidibé, elles ont un risque élevé d’infection par le VIH, un taux de pratique de test VIH bas et un mauvais suivi du traitement. Le monde laisse tomber les jeunes femmes et il est urgent que nous en fassions davantage. »
Si en 2015 le rapport population féminine/population masculine est identique (50 %/50 %) au niveau mondial et en Afrique subsaharienne, le taux de nouvelles infections par le VIH est déséquilibré puisque les femmes d’Afrique subsaharienne représentent 56 % des contaminations quand, au niveau mondial, leur part s’élève à 47 % des nouveaux cas.
Résistance aux médicaments anti-VIH
Le rapport d’Onusida aborde aussi d’autres problèmes plus généraux : celui de l’accroissement des résistances aux médicaments anti-VIH. L’Onusida insiste sur la nécessité de faire diminuer le coût des antirétroviraux destinés à prendre le relais de ceux avec lesquels le traitement a été mis en place et contre lesquels des résistances sont apparues.
De plus, l’organisme onusien appelle à une plus grande coordination dans les programmes de lutte contre la tuberculose, le papillomavirus humain (qui favorise le cancer du col utérin) et l’hépatite C. Le rapport rappelle qu’en 2015, sur les 1,1 million de décès constatés chez des personnes vivant avec le VIH, 400 000 d’entre eux ont été dus à la tuberculose, dont 40 000 chez des enfants.
Les objectifs fixés pour 2020 demeurent ambitieux. Outre 30 millions de patients sous antirétroviraux, les Nations unies visent à passer en dessous de la barre des 500 000 nouvelles infections par an (avec moins de 50 000 nouvelles infections chez les enfants) et moins de 500 000 décès liés au VIH. Ils ne seront atteints que si la mobilisation de ressources humaines et financières continue de s’accroître et si les obstacles sont levés dans la lutte contre les discriminations et les législations stigmatisantes à l’égard des femmes, des homosexuels, des usagers de drogues… Certaines nouvelles, comme les coupes dans la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et à Unitaid, sont de mauvais augure.