Pour sa septième année chez Mercedes, Nico Rosberg pourrait bien devenir, dimanche 27 novembre, champion du monde de formule 1. A 31 ans, le pilote allemand aborde en effet le dernier Grand Prix de la saison, à Abou Dhabi, en tête du classement avec 367 points, devant son coéquipier Lewis Hamilton (355 points). Même si l’Anglais, déjà triple champion, gagne la course, il suffit à Nico Rosberg de terminer troisième pour conquérir le titre suprême. Défenseur engagé de son sport, il s’est confié au Monde avant son départ pour les Emirats.

Quand la saison a débuté, peu de gens pensaient que vous pouviez devenir champion. A partir de quel moment y avez-vous cru ?

Je respecte les opinions de tout le monde et chacun peut les exprimer, mais elles ne m’intéressent pas. J’ai eu un moment difficile à la fin de 2015, quand j’ai perdu le titre, puis j’ai rebondi avec trois victoires. J’ai pris cet élan pendant l’hiver et j’ai fait un bon début d’année, essayant de travailler mes points faibles et continuant à m’améliorer dans tous les domaines. Il y a eu des hauts et des bas, mais j’ai pris les choses simplement, une course à la fois, sans me focaliser sur le titre. J’ai simplement fait de mon mieux à chaque course, pour ensuite voir ce qu’il en sortait.

Comment vous décririez-vous aujourd’hui ?

C’est difficile. Je dis généralement que c’est quelque chose que d’autres personnes doivent faire pour moi. J’essaie simplement de trouver la bonne voie, le meilleur chemin. Mais si je devais me définir en trois mots, je dirais : loyal, équilibré et compétitif. C’est le genre de personne que je veux être.

A la lecture de votre biographie, on constate que, depuis l’enfance, à chaque fois que vous avez tenté quelque chose, vous avez réussi, mais pas du premier coup. En F1, avec Mercedes, l’heure est-elle venue ?

Je participe à l’aventure Mercedes depuis le début de cette ère, en 2010. J’étais là dans les moments difficiles et lors des courses où nous nous sommes retrouvés à nous battre pour être dans le top 10. Alors, être dans la position que nous occupons depuis 2014 – celle de courir chaque week-end en se battant pour la victoire – est tout simplement incroyable. Et je sens que j’ai appris et que je suis devenu plus fort au cours de chacune de ces saisons, travaillant toujours pour améliorer et être un meilleur pilote de course et une meilleure personne. C’est mon objectif et, jusqu’à présent, c’est pas mal.

Vous avez eu avec votre épouse Vivian une petite fille, Alaïa, le 11 septembre 2015. Qu’est-ce que cela change ?

Cela a rendu ma vie plus riche et plus complète. Cela me donne une base encore plus stable à la maison. Peut-être cela m’a-t-il donné un meilleur équilibre entre ma vie privée et mon travail, également. Mais dans la voiture, je pense que cela ne m’a pas changé du tout.

Tout le monde vous parle de votre père [Keke Rosberg, champion du monde de F1 en 1982]. Il en sera de même avec votre fille ?

Honnêtement, les seules personnes qui me parlent de mon père sont les médias ! Mon père est mon père. Une grande source d’inspiration pour moi et quelqu’un qui peut me donner des conseils si j’en ai besoin. Mais il sait aussi me donner mon espace et me laisser faire mon travail.

Avec Lewis Hamilton, les relations sont « respectueuses et neutres »

Pour rester dans les rapports humains, quelles sont, sincèrement, vos relations avec Lewis Hamilton ?

Respectueuses et neutres. Nous avons des hauts et des bas, je pense que c’est normal quand vous vous battez ensemble dans un championnat du monde. Mais la base de notre relation est le respect.

Vous le rencontrez une première fois sur un circuit à 15 ans. Il a gagné et vous avez terminé deuxième…

Ouais… Nous passions beaucoup de temps ensemble quand nous étions enfants, voyageant dans la même équipe, partageant une chambre et même partant en vacances ensemble. Nous nous sommes bien amusés à l’époque, comme beaucoup d’enfants le font quand ils ont 15 ans. Même aujourd’hui, nous parlons de ces moments et de comment nous nous demandions si nous allions faire de la F1 un jour. Et maintenant nous y sommes, luttant pour le championnat du monde. C’est intense, mais un peu fou aussi.

Pensez-vous que vous et Lewis Hamilton êtes complémentaires ou opposés ?

Complémentaires ! Je pense que nous l’avons démontré au cours des dernières années. Nous avons remporté quelque 50 Grand Prix ensemble au cours des trois dernières saisons. Et l’équipe a su bien gérer la situation, afin de donner à chacun de nous l’espace, l’autonomie pour se confronter durement en course, mais avec respect, ce qui est nécessaire.

« Le monde des médias a changé, nous devons nous en occuper »

Il y a trente ans, les pilotes de F1 étaient amis, ils sortaient ensemble, partaient en week-end ou en vacances ensemble. Est-ce encore possible aujourd’hui ?

Je pense que le monde, dans son ensemble, est beaucoup plus intense et plus professionnel aujourd’hui. Nous n’avons pas de temps libre pendant les week-ends de course – nous sommes avec des sponsors ou avec nos ingénieurs. Donc il n’y a pas tellement de temps pour se détendre ou passer du temps ensemble, comme à l’époque. Le monde des médias aussi a changé, nous devons nous en occuper. Mais nous sortons toujours avec des amis et nous nous amusons ensemble. C’est juste que cela concerne probablement moins de gens que par le passé !

A vos débuts chez Mercedes, vous avez conduit avec Michael Schumacher, un caractère difficile : est-ce dur d’avoir un tel coéquipier ?

C’était une grande expérience d’apprentissage pour moi, voir Michael et comment il travaillait. Même dans les dernières courses avant sa retraite, il y allait à fond, avec la même intensité que lors des premières courses. Et cela a été une véritable révélation pour moi. Ce furent des années très précieuses dans ma carrière.

Le pilote Mercedes Nico Rosberg retrouve ce week-end le circuit de Yas Marina à Abou Dhabi (ici le 29 novembre 2015). | MARWAN NAAMANI / AFP

La F1 est parfois accusée d’être un sport de riche. Pensez-vous que l’argent est plus important en F1 que dans un autre sport ? Si oui, le regrettez-vous ?

Non, je ne le pense pas. La différence avec la plupart des autres sports est que nous devons construire notre propre voiture, ce qui nécessite un gros budget pour être bien fait. [En 2017, le prix de l’unité de puissance moteur pour chaque équipe cliente sera réduit de 1 million d’euros par saison par rapport à 2016.] Mais l’argent est un facteur important dans tous les sports, peut-être plus dans d’autres domaines que dans la F1. Et puis chaque dimanche, durant deux heures au moins, c’est du sport à l’état pur entre nous, sur la piste.

« Tout ce que je peux vous dire, c’est de faire attention à ce que vous lisez dans les médias ! »

Selon le Times, Lewis Hamilton a été payé le double de vous en 2015. Est-ce important pour vous ?

Tout ce que je peux vous dire, c’est de faire attention à ce que vous lisez dans les médias !

En France, la F1 attire de moins en moins de spectateurs. Le ressentez-vous ?

Je pense que le monde change pour chaque sport. La façon dont nous regardons le sport change, le monde des médias change, et la façon dont nous parlons à nos fans change. Alors peut-être qu’il y a moins de gens qui regardent la télévision – mais ils sont connectés à Internet, et regardent la F1 différemment. Nous avons des courses spectaculaires et cela va devenir encore plus intense l’année prochaine grâce à l’évolution du règlement [la plus importante depuis le passage aux moteurs hybrides, elle doit rendre les voitures 5 secondes plus rapides au tour]. Et c’est ce que j’aime dans la F1 : on n’est jamais satisfait, on est toujours à la recherche d’améliorations, de changement pour rendre le sport plus fort.

Avez-vous une idée pour inverser cette évolution ?

En tant que pilotes, nous voulons des voitures plus puissantes et [nous voulons] être encore plus proches des fans. Nous pouvons faire beaucoup avec les réseaux sociaux, et nous le faisons, mais il y a encore un fort potentiel dans ce domaine. Toutefois nous n’avons pas toutes les réponses… Il y a déjà beaucoup de gens intelligents qui y réfléchissent.

A Sao Paulo, lors du Grand Prix du Brésil, le 11 novembre. Nico Rosberg termine deuxième, derrière son coéquipier Lewis Hamilton. | MIGUEL SCHINCARIOL / AFP

Pensez-vous que l’arrivée en septembre de Chase Carey à la tête de Formula One Management, qui gère le championnat, est une bonne nouvelle pour la F1 ?

Tout nouvel investissement dans ce sport [4,4 milliards de dollars par le groupe américain Liberty Media] est un signe qu’il est sain et qu’il a un vrai potentiel de croissance. C’est un signe positif. Cela dit, je ne veux pas faire de commentaire sur les personnes – nous avons un sport fantastique et nous espérons pouvoir continuer à le rendre encore meilleur.

Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous ?

Je pense que je devrais la transmettre à quelqu’un qui a le pouvoir de réaliser quelque chose de réellement bon, capable de changer le monde.