Les députés burkinabés sont au centre depuis trois semaines d’une vive polémique pour avoir accepté des tablettes tactiles offertes par une société chinoise, au point qu’ils ont annoncé, lundi 5 décembre, y renoncer.

« Face à l’incompréhension d’une partie de la population et, surtout, de l’exploitation malsaine qui en est faite, l’Assemblée nationale, réunie en séance plénière, a décidé de restituer les tablettes au gouvernement », lit-on dans un communiqué rendu public lundi à Ouagadougou.

Le 10 novembre, les 127 députés avaient reçu chacun devant toutes les caméras de télévision du pays, une tablette de la part de Huawei Technologies. Prix total : 65 millions de francs CFA (près de 100 000 euros).

Un marché de fibre optique à 7,5 millions d’euros

Or cette société de la République populaire de Chine – pays avec lequel le Burkina n’a plus de relations diplomatiques depuis 1994 – avait obtenu cinq mois plus tôt du gouvernement du Burkina un marché de construction d’une fibre optique qui doit relier Ouagadougou à la frontière du Ghana pour près de 4,7 milliards de francs CFA (7,5 millions d’euros).

Ce « cadeau » de l’entreprise chinoise enfreint une loi anti-corruption interdisant à tout agent public de recevoir des cadeaux dont la valeur excède 35 000 francs CFA (53 euros).

Cette loi a été adoptée en 2015 par le Conseil national de la transition (CNT), l’Assemblée nationale intérimaire mise en place après la chute du président Blaise Compaoré chassé par la rue fin octobre 2014 après vingt-sept ans au pouvoir pour tourner définitivement la page d’un régime taxé de corruption.

Déclaration de patrimoine

L’affaire des tablettes a fait grand bruit depuis dans les médias et sur les réseaux sociaux. Dans un communiqué, le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC), une organisation à la pointe de la lutte contre la corruption au Burkina Faso, a dénoncé une « violation » qui « intervient au moment où le peuple est toujours dans l’attente de la déclaration d’intérêt et de patrimoine des honorables députés ! ».

Interpellé la semaine dernière lors d’une conférence de presse de son parti, Salifou Diallo, le très influent président de l’Assemblée nationale et vice-président du parti au pouvoir, s’était montré plus qu’agacé. « Nous avons reçu les tablettes de la ministre du développement de l’économie numérique et des postes. On n’a pas lu la marque sur les cartons. On se fout de la provenance, point barre ! », avait-il lancé, s’attirant de vives critiques des réseaux sociaux.