L’économie allemande dopée par l’arrivée des réfugiés en 2015 et 2016
L’économie allemande dopée par l’arrivée des réfugiés en 2015 et 2016
LE MONDE ECONOMIE
La hausse des dépenses de l’Etat et l’augmentation globale de la consommation ont permis au PIB de l’Allemagne de croître de 1,9 % en 2016.
Le ministre allemand de l’intérieur, Thomas de Maiziere, lors d’une visite d’une classe d’orientation à l’intention de réfugiés, le 11 novembre à Berlin. | TOBIAS SCHWARZ / AFP
L’accueil d’1,1 million de migrants en 2015 et 2016 a eu sur l’économie allemande l’effet d’un véritable plan de relance. Suggérée par les économistes en fin d’année, cette hypothèse a été largement confirmée, jeudi 12 janvier, par l’institut fédéral de statistiques Destatis.
La croissance de l’économie allemande, qui s’élève à 1,9 % en 2016, est supérieure d’un demi-point à la moyenne des dix années précédentes (1,4 %). La hausse des dépenses de l’Etat et l’augmentation globale de la consommation liée à l’arrivée des réfugiés ont eu sur l’économie un fort effet d’entraînement.
L’Etat a été le principal acteur de ce phénomène : pour accueillir en urgence un million de personnes démunies, il a dépensé comme rarement dans l’histoire du pays. Vingt milliards d’euros ont été consacrés à l’accueil et aux soins des réfugiés en 2016. En conséquence, les dépenses publiques ont bondi de 4,2 %. Une telle progression n’avait pas été observée « depuis 1992, juste après la réunification du pays », a relevé jeudi matin Dieter Sarreither, président de Destatis.
La hausse soudaine de la population a également stimulé la consommation des ménages (+2 %). Au total, la consommation privée et publique a augmenté de 2,5 %, ce qui a représenté le plus gros soutien à la croissance allemande en 2016.
Demande immobilière forte
A côté de la consommation, les investissements en biens d’équipement et la construction ont constitué les autres moteurs de l’activité. Et leur bonne tenue doit également beaucoup à l’arrivée des réfugiés. Ces derniers, en renforçant la demande immobilière dans les centres urbains, ont stimulé la construction de logements neufs. Celle-ci a bondi de 4,3 % l’an dernier, quand les investissements ont augmenté de 2,5 %.
La contribution du commerce extérieur en revanche a eu un léger effet négatif sur la croissance (– 0,1 %), car les importations ont augmenté plus rapidement que les exportations. En d’autres termes, la forte croissance enregistrée par l’Allemagne en 2016 doit peu aux forces traditionnelles de l’économie allemande, mais beaucoup aux dépenses intérieures fortement stimulées par l’arrivée des réfugiés.
Marcel Fratzscher, président de l’Institut économique de Berlin, estime à 0,3 % l’impact des réfugiés sur la croissance en 2016. « L’effet positif des demandeurs d’asile sur les performances économiques du pays va se renforcer dans les prochaines années », estime-t-il. Il juge qu’à long terme « leur intégration pourrait augmenter la croissance de 0,7 % ». En attendant, les nouveaux arrivants ont déjà compensé les effets du déclin démographique allemand cette année, ont noté les experts de Destatis.
« Manque de personnel »
Nul doute que ces éléments vont contribuer à renouveler le débat sur les réfugiés en Allemagne, qui jusqu’ici était principalement abordé sous l’angle des coûts, ou de la sécurité. Or deux chiffres sont frappants : les 20 milliards d’euros dépensés par l’Etat pour accueillir les demandeurs d’asile correspondent presque exactement à l’excédent dégagé par l’Etat en 2016, qui s’élève à 19,2 milliards d’euros.
Reste la délicate question de savoir si l’économie pourra intégrer les nouveaux arrivants. Pour l’instant, seuls quelques dizaines de milliers de réfugiés ont trouvé un emploi. Et ce, malgré une forte demande des entreprises, qui peinent à recruter. La chambre de commerce et d’industrie table sur la création d’un demi-million de postes en 2017, principalement dans les services de santé et de soin et dans l’éducation et la formation, qui envisagent de créer 150 000 emplois cette année, mais aussi le commerce et la gastronomie.
« Le manque de personnel est devenu le risque numéro un pour les entreprises », redoute Martin Wansleben, directeur de la chambre de commerce et d’industrie. De quoi faire de la formation des réfugiés l’enjeu central de l’économie allemande ces prochaines années.