Le président Francois Hollande a passé en revue les soldats de la force Barkhane à Gao, dans le nord du Mali, vendredi 13 janvier. | STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Le Falcon blanc glisse sur la piste de terre ocre. Vendredi 13 janvier, à Goa (nord Mali), le soleil écrase tout, aveuglant. Famas sur le cœur, les soldats de la force Barkhane attendent le regard fixe, perdu dans l’immensité de la plaine. François Hollande descend enfin de l’appareil, flanqué du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian. Il sera bientôt « briefé » par le général François-Xavier de Woillemont, patron de l’opération. Mais d’abord, il passe en revue les troupes, au son d’une musique militaire. Costume noir, visage grave et démarche cadencée : une, deux, une, deux…

A quoi pense-t-il, en cet instant ? A ce bain de foule à Tombouctou, le 2 février 2013, trois semaines après le déclenchement de l’opération Serval, destinée à bloquer l’avancée des djihadistes vers Bamako ? A la joie, la ferveur, au soulagement des Maliens, qui lui disaient « merci » d’avoir été « libérés » ? A ces mots vibrants, prononcés ensuite à Bamako, place de l’Indépendance : « Je n’oublie pas que lorsque la France a été elle-même attaquée (…), qui est venu alors ? C’est le Mali ! (…) Nous payons aujourd’hui notre dette ». Et puis, cette confidence singulière, inattendue : « Je viens sans doute de vivre la journée la plus importante de ma vie politique ».

Un moyen de promouvoir le bilan du président

Presque quatre ans jour pour jour après le lancement de Serval, le 11 janvier 2013, M. Hollande se rendait pour la première fois à Gao, où est installée une base de la force Barkhane, qui a pris le relais en 2014 de l’opération Serval. Soit 4 000 hommes – dont 1 600 à Gao –, déployés dans le désert brûlant du Sahel, sur un territoire six fois grand comme la France. « Le Mali a retrouvé son intégrité territoriale, a pu effectuer sa transition politique », s’est félicité le chef de l’Etat.

Obsédé par la trace qu’il laissera dans l’Histoire, M. Hollande s’est lancé dans une tournée des adieux, notamment aux armes. Après un passage éclair le 9 décembre sur le Charles de Gaulle, il s’était rendu le 2 janvier en Irak, à Erbil, à 15 km de Mossoul. Dans un poste avancé des combattants kurdes, au-dessus de la plaine de Ninive, il avait longuement étudié une carte d’état-major et scruté l’horizon, la « poussière de la guerre », à la jumelle. Une « séquence » savamment mise en scène par l’Elysée. A Gao, même topo. L’officier qui accueille la presse promet « tous les accès ». Le désert, le soleil, les uniformes des militaires et des chefs touaregs, l’ocre de la terre et le bleu du ciel : les images seront belles.

Un moyen pour l’Elysée de « vendre » le bilan du président, convaincu que les deux opérations militaires extérieures de la France, Barkhane au Sahel et Chammal au Proche-Orient, sont des succès. « C’est le même combat, le même enjeu », a lancé M. Hollande.

Si l’opération Serval a permis de libérer le nord du Mali et de stopper l’hégémonie djihadiste, la situation du pays reste toutefois délicate. « Il y a encore des terroristes, n’a pas caché le général de Woillemont. Mais ils ne sont plus capables de mener une action tactique contre nous ». « Les terroristes ont beaucoup perdu en capacité mais ils sont dispersés sur un territoire très large », a lui aussi admis M. Hollande. A Bamako, la ville reste soumise à une forte pression. « La sécurité ne peut être complètement étanche », soupire un conseiller.

François Hollande en chef des armées

Entre les deux premiers débats télévisés de la primaire de la gauche – il a regardé le premier, la veille de son départ –, le président a donc revêtu ses habits de chef des armées, qu’il a tant aimé endosser au cours du quinquennat. Finalement, alors qu’il était arrivé à l’Elysée précédé d’une réputation de fin tacticien sur le plan politique mais peu rompu aux arcanes de la diplomatie et de la guerre, M. Hollande aura fait mentir ce paradigme. Et si deux présidents – le tranchant et le guerrier ; le rond et le partisan des synthèses - ont cohabité en un pendant cinq ans, le premier l’aura in fine emporté sur le second. Ou plutôt, mais cela revient au même, c’est le deuxième qui a perdu, au point de renoncer à se représenter.

Toujours sous le coup de cette renonciation forcée, M. Hollande est en quête d’onction. « C’est émouvant de venir ici [à Gao] qui a longtemps été un point sur une carte, un objectif, a-t-il confié en revenant sur cette journée du 2 février 2013. Je ressentais une joie que je voulais communiquer aux Français ».

Mais le président sortant s’irrite qu’on le ramène sans cesse à sa tournée des adieux. Alors que ce déplacement au Mali – pour le sommet Afrique-France – est le dernier prévu à son agenda avant la fin du mandat, le chef de l’Etat répète qu’il ne faut « jamais dire jamais ». Ses conseillers n’ont pas les mêmes pudeurs : « On passe notre temps à faire des choses pour la dernière fois, admet l’un d’eux. C’est la vie. Nous aussi, on travaille avec des chefs d’Etat qui vont partir… Personne n’est pas pour toujours, sauf les rois. »