L’appel à l’unité n’a pas traîné. Quelques minutes après avoir promis de « rassembler tous les socialistes », Benoît Hamon, vainqueur, dimanche 29 janvier, du second tour de la primaire organisée par le PS, a tendu la main, sans mentionner Emmanuel Macron, à l’écologiste Yannick Jadot et à son ex-camarade du PS, Jean-Luc Mélenchon. Celui qui est désormais le candidat socialiste à la présidentielle sait que la multiplicité des candidatures à gauche peut lui être fatale. « Dès lundi (…), je leur proposerai de construire ensemble une majorité gouvernementale cohérente et durable pour le progrès social, écologique et démocratique », a-t-il lancé depuis la Mutualité, à Paris.

Le premier, qui porte les couleurs d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), a toujours dit qu’il ne se désisterait pas en faveur de M. Hamon, malgré le discours très écolo de ce dernier. Lundi 30 janvier, il s’est montré moins affirmatif au micro de BFM-TV, même s’il a affirmé qu’« aujourd’hui, il y a un bulletin Jadot à la présidentielle ». Si le député européen a salué « la belle campagne » du député des Yvelines, il a appelé ce dernier à la « cohérence ». « Va-t-il faire le nouveau François Hollande de la synthèse ? (…) Et à ce moment-là, le PS va le rabougrir. Ou est-ce que Benoît Hamon est prêt [à se lancer] avec nous dans la grande aventure ? », a-t-il interrogé.

En difficulté pour récolter ses 500 parrainages – l’ex de Greenpeace a cependant assuré lundi en avoir plus de 350 –, M. Jadot pourra-t-il résister aux pressions qui vont s’exercer sur lui ? Dimanche, de nombreux membres de son parti se sont félicités de la victoire de M. Hamon, à commencer par David Cormand, secrétaire national d’EELV, qui a salué une « bonne nouvelle ».

Sur la même ligne que son candidat, le patron du parti écologiste a estimé que la balle est désormais dans le camp du socialiste. « Soit la rivière retourne dans son lit et on revient au vieux PS, à ses compromis mous et à ses vieilles tambouilles, soit Hamon va au bout de ce qu’il a initié et c’est une autre histoire », indique ce proche de Cécile Duflot. Cette dernière, qui a tout intérêt à un rapprochement avec l’ex-ministre de l’éducation pour sauver sa circonscription de Paris, a tweeté dimanche une photo de champagne.

La partie s’annonce nettement plus compliquée avec Jean-Luc Mélenchon. Parti en campagne il y a près d’un an, le candidat de La France insoumise a déjà annoncé avoir réuni ses 500 signatures. Et il n’entend en aucune façon laisser la place à son ancien collègue socialiste. « Si on avait eu l’intention de rallier le vainqueur du PS, on aurait participé à la primaire », souligne son directeur de campagne, Manuel Bompard.

La victoire de M. Hamon ne fait cependant pas les affaires du député européen. Les programmes des deux hommes sont proches, même si l’Europe et la politique internationale demeurent des points d’achoppement. Dimanche, M. Mélenchon a été l’un des premiers à réagir sur sa page Facebook dans un post intitulé « Valls valse, encore une victoire du dégagisme ». Mais le ton était nettement moins critique que la semaine passée où il avait pilonné le revenu universel, la mesure phare de M. Hamon.

« Mistigri »

Le fondateur du Parti de gauche a ainsi exprimé sa « satisfaction » que le député des Yvelines ait « chanté des paroles si proches » des siennes. « A présent les gens sérieux, qui sont les plus nombreux, s’intéresseront au contenu, à la cohérence du programme qui se déduit de ces mots (…). C’est à nous qui avons porté ce choix tant d’années d’être à la hauteur pour le rendre victorieux », a-t-il conclu.

En dynamique depuis plusieurs mois, M. Mélenchon a senti venir le danger après les invitations à dialoguer que M. Hamon et ses proches avaient déjà lancées au cours de la semaine. « Pourquoi ils font ça ? Pour me coller le mistigri : “Il ne veut pas nous parler, il est sectaire et tout ça” », avait-il lâché lors d’un meeting, jeudi 26 janvier, à Périgueux. Avant d’enfoncer le clou : « On parle d’une élection présidentielle, je suis candidat, j’ai dans les bottes toutes ces années passées à préparer le programme avec mes amis. »

Restent les communistes. A une très courte majorité, ils ont choisi, en novembre 2016, de soutenir leur ex-partenaire du Front de gauche tout en faisant une campagne autonome. Mais les relations se sont tendues dernièrement sur la question des législatives, cruciales pour le parti de Pierre Laurent. Même si le secrétaire national du Parti communiste a réaffirmé, mardi 24 janvier, son soutien à M. Mélenchon, la victoire de M. Hamon pourrait-elle changer la donne ?

Depuis des mois, le numéro un communiste appelle – en vain – au rassemblement de la gauche non gouvernementale pour éviter un second tour droite-extrême droite. Dimanche, Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, a pris le relais et jugé que « la victoire de M. Hamon, avec des propositions s’inscrivant dans le débat pour une alternative de gauche au hollandisme, est une bonne nouvelle pour la gauche tout entière ». Interrogé par Le Monde pour savoir si son parti accepterait de rencontrer le candidat du PS si celui-ci le lui proposait, ce dernier a répondu par l’affirmative : « Oui, on va discuter avec toute la gauche anti-austérité. »