Les coûteux dysfonctionnements de la douane
Les coûteux dysfonctionnements de la douane
Par Chloé Marriault
La Cour des comptes épingle sévèrement la douane pour ses dépenses conséquentes lors du renouvellement de ses moyens aériens et navals.
La Cour des comptes a publié, mercredi 8 février, son rapport annuel dont un chapitre épingle les dépenses de la douane. La Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), qui relève du ministère de l’économie et des finances, est pointée du doigt pour ses « échecs répétés et coûteux ». D’après le rapport, « la Douane est incapable d’acquérir, de maintenir et d’opérer seule des matériels complexes, notamment dans le domaine aérien et naval ». Retour en trois points sur ces échecs.
Des avions qui ne peuvent pas voler avec l’équipement prévu
La douane souhaite commander, dès 2004, de nouveaux bimoteurs qui doivent être équipés de systèmes de surveillance. Cela comprend des radars, des caméras, un scanner, des moyens de communication par satellite, etc. Cependant, pour la Direction générale de l’armement (DGA), intégrer tous ces équipements est susceptible d’engendrer des dysfonctionnements, pour l’avion comme pour les équipements, en raison de possibles « interactions entre les équipements et le système de commande de vol ».
Malgré ces avertissements, la douane achète les équipements et la DGA les avions. Mais aucune solution n’est trouvée pour intégrer les équipements aux bimoteurs. Au final, selon la Cour des comptes, 117 millions d’euros ont été réglés entre 2010 et 2016 alors qu’aucun appareil n’était opérationnel.
Le ministère de l’économie et des finances et le secrétaire d’Etat chargé du budget relativisent, estimant que ces avions non équipés servent tout de même à former « des pilotes et des personnels navigants techniques ». Et de préciser que deux des sept avions devraient être mis en service début 2017.
Deux bateaux neufs inutilisables
En 2008, la direction régionale garde-côtes des Antilles souhaite acquérir deux nouveaux bateaux pour lutter contre le trafic de stupéfiants. Ses besoins sont « contradictoires », puisqu’il faut concilier « une vitesse et autonomie importantes malgré le poids d’un équipement en appareil de détection et de navigation […] tout en répondant à des exigences de confort (climatisation, cuisine, etc.) ». Pour compenser la masse importante du bateau, un système de propulsion plus puissant est installé mais les bateaux deviennent difficilement manœuvrables et n’offrent pas « une stabilité optimale en navigation ».
Malgré des tentatives répétées pour améliorer ces embarcations, la douane les juge trop dangereuses et décide en 2014 de ne pas les utiliser. Aujourd’hui, la douane ne sait toujours pas comment exploiter ces vedettes neuves. D’après le rapport, « 1 680 000 euros ont ainsi été dépensés en pure perte à ce jour ».
Une embarcation payée mais jamais reçue
Pour lutter contre la contrebande de stupéfiants menée par les trafiquants en bateau, la Douane commande une embarcation très rapide. Elle s’accorde avec un constructeur américain pour la fabrication du bateau. Le constructeur affirme ne pas avoir reçu la totalité de la somme qui lui était due, alors que l’administration avait versé à un intermédiaire une « somme supérieure à ce qui était prévu au marché ». Le bateau n’a jamais été livré, et « il semble qu’il a été mis aux enchères au seul profit du constructeur ».
La douane a ainsi versé en pure perte 307 618 euros pour un marché d’un montant initial de 313 912 euros. Elle « a examiné les possibilités d’engagement d’une procédure pénale à l’encontre du fournisseur du navire payé mais non livré, mais en est restée au stade exploratoire. Après bientôt quatre ans de tergiversations, cette démarche a désormais peu de chance d’aboutir du fait des délais de prescription », déplore la Cour des comptes.
De leur côté, le ministère de l’économie et des finances et le secrétaire d’Etat chargé du budget tentent de nuancer ce jugement sévère : « S’il est vrai que certains achats n’ont pas donné pleine satisfaction du point de vue opérationnel […], la DGDDI a continué d’honorer ses missions en matière de lutte contre la fraude et ou d’action de l’Etat en mer. »